La nécessité de l’éclair

© L’Intransigeant, 1933

Camille L’Aiguille est la première arrivée devant la pâtisserie Chez Antonin ; Sylvie des Cology la rejoint vite ; devant la Mercerie, elles avaient du plaisir à échanger même sans se dire grand-chose, à écouter leurs voix, à se parler en confiance : est-ce ainsi qu’on devient ami(e)s à force d’éclairs ?

 

Sylvie des Cology : Comme je suis verte, j’ai décidé de prendre un éclair à la pistache, j’ai vu, ils en ont.

 

Camille l’Aiguille : J’aime bien ton imperméable. Je choisis café ; je ne suis pas plus éclair que ça, mais l’idée de Meriul m’a plu. Tiens, la voilà !

 

Meriul de Tulle arrive essoufflée : Bonjour, je sors du boulot, j’ai pris ma voiture, j’ai foncé au parking…

 

Sylvie des Cology qui connaît Meriul de Tulle, depuis longtemps : Salut Meriul, alors, t’as fait ton choix ?

 

Meriul de Tulle : J’adore le chocolat !

 

Claire l’Éclair vient d’arriver. Meriul lui demande : Et vous Claire, quel éclair ?

 

Arsène est derrière Meriul et sourit.

 

Claire L’Éclair : Bonjour Meriul, bonjour Mesdames, bonjour Arsène. Je vais prendre un « pain à la duchesse » !

 

Camille L’Aiguille : Quoi ? On choisit toutes un éclair, Claire, comme on l’a décidé devant la mercerie (1).

 

Claire L’Éclair : Mais je prends un éclair, Camille ; le « pain à la duchesse », c’est son nom d’origine.

 

Meriul : Vous avez fait deux DEA, Claire, pâtisserie, aussi ?

 

Cécile Le Fil arrive : Salut à toutes, ça va ? Vous avez déjà choisi ? J’ai une question de niveau DEA : un éclair est-il un achat de première nécessité ?

 

Claire L’Éclair : Je vois que j’ai marqué les esprits !

 

Arsène : Vous avez une bonne vue, Claire.

 

Mériul : Doit-on acheter un éclair pour s’encourager avant l’effort ou trouver du réconfort après ?

 

Camille L’Aiguille : Mais dans le confinement, l’effort est permanent !

 

Toutes les femmes à présent dans la queue : L’éclair est nécessaire !

 

Arsène : Je suis d’accord, Mesdames !

 

Sylvie des Cology : Oui, mais le principe de la fermeture éclair ne fonctionne plus si l’on mange des éclairs toute la journée ; il n’y a plus d’alternance (1).

 

Cécile Le Fil : C’est vrai, mais quand c’est trop long, c’est bon !

 

Claire L’Éclair : Pendant mon DEA pâtisserie, j’ai découvert dans le Guinness des Records, la taille de l’éclair le plus long, 503 m ; il a été fabriqué par un pâtissier suisse en 2014.

 

Arsène : Quand l’éclair est aussi long, ça devient un orage !

 

Toutes les femmes se marrent, et soudain, la porte de la pâtisserie Chez Antonin (2) s’ouvre : le pâtissier sort avec un plateau garni de 13 éclairs.

 

Le pâtissier : 13 fois 13 cm, ça fait 1, 69 m, on est loin du record…

 

Arsène : Antonin, votre geste dépasse le Guinness !

 

Les 12 femmes et Arsène se mettent en cercle à distance sanitaire autour du pâtissier, le trottoir n’est pas si large, la rue est bloquée, conducteurs et passants voient les éclairs brandis à bout de doigts ; ils entendent : L’éclair est nécessaire ! L’éclair est nécessaire !

 

Camille L’Aiguille : Lorsqu’il foudroie la morosité, l’éclair nous éclaire sur la nécessité d’un nouveau monde.

 

Une vendeuse sort de la pâtisserie et distribue des éclairs à tout le monde…

 

(1) Lire la chronique précédente : L’ouverture éclair https://vusouscetangle.net/chronique/louverture-eclair/

 

(2) Nommée en hommage à Antonin Carême, en illustration (1784 – 1833). Il a eu un destin de rêve : abandonné par son père à 8 ans, qui pense que parmi ses nombreux enfants, c’est celui qui se débrouillera le mieux, il entre à 13 ans chez le pâtissier Sylvain Bailly, l’un des meilleurs de Paris, puis Talleyrand, fine gueule en plus d’être le génie de la diplomatie, l’engage… Il va devenir le « roi des pâtissiers, pâtissier des rois ».

 

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