Une fente qui tente
Arsène arrive à Ivry devant l’atelier de l’artiste, Martine de Baecque (1) ; la porte est ouverte. Il sonne. Il circule un peu dans la pièce et tombe en arrêt devant des pins en noir sur fond blanc, autour d’un étang ; il avait été attiré par une autre œuvre, reçue par mail, mais celle-ci le touche, elle lui rappelle la chanson The man in the long black coat de Bob Dylan.
Arsène : Vous êtes l’artiste ?
L’artiste : Oui, bonjour. Un café ? Ces pins datent de 2018, je les ai appelés Le Peuple imaginaire de la forêt.
Arsène : Oui un café, merci. Je m’appelle Arsène.
L’artiste : Le temps qu’il passe, je vais vous montrer la série qui vous a donné envie de venir.
Arsène : C’est une fente.
L’artiste : Une technique mixte, un mélange de photo et dessin, mais je n’aime pas mélanger l’œuvre et la technique…
Arsène : Une déchirure, une fissure, une crevasse…
L’artiste : Tenez, votre tasse.
Arsène : L’Origine du Monde a changé de position ; quel grand écart facial !
L’artiste : Je me courbe devant Courbet.
Arsène : Un sexe.
L’artiste : Il y a des caresses dans toute la série.
Arsène : Des caresses ? Je vois du sable, la mer, les rivages, le ciel… Il y a de la lumière dans votre atelier. Et la presse ! Elle est grosse la presse à côté de toutes ces traces si légères…
L’artiste : Oui il y a très peu de matière dans les lithos. Mais la presse, c’est un gros morceau de 150 ans au moins ; une Eugène Brisset. Elle a toujours travaillé ; dans une imprimerie près de Paris, avant.
Arsène : Elle tient l’atelier ?
L’artiste : Oui, elle m’ancre dans le dessin.
Arsène : La pédale est usée comme une rame.
L’artiste : J’y mets mon pied et la presse prolonge mon bras.
Arsène : Et pour effacer les dessins sur les pierres.
L’artiste : Je graine avec de l’eau, je frotte.
Arsène : Et vos premiers frottements ?
L’artiste : Aux Beaux-Arts en 1987-89, j’ai commencé par la litho ; je l’ai laissé tomber, mais elle m’a rattrapé, je suis bien avec le dessin, c’est mon axe.
Arsène : L’axe ; il fixe le regard où l’on décide de rester, d’entrer, de s’enfoncer ; cette fente…
L’artiste : Il y a le bleu autour.
Arsène : Le bleu m’évoque la mer, tumultueuse ; alors c’est la banquise, exquise, qui s’ouvre.
L’artiste : Je ne cherche pas à créer une réalité.
Arsène : Vous faites ; ensuite c’est à nous de jouer, comme dit Duchamp « c’est le regardeur qui fait l’œuvre » ; l’œuvre titille notre imaginaire. Le sexe appelle les draps bleus imprimés ; la banquise, la mer. L’amour sur la banquise, c’est le réchauffement climatique…
L’artiste : Ça reste ouvert ; je l’ai bien dosée.
Arsène : Oui, c’est osé.
L’artiste : Je travaille lentement ; l’œuvre aussi, en vous.
Arsène : Vous exposez cette série les 19 et 20 décembre, après 14 et avant 20 h, chez : Henry et Martine de Baecque, 112, Rue Rambuteau 75001. Tel : 0767356109
L’artiste : Et tout ceux qui veulent m’appeler pour venir dans l’atelier, sont les bienvenus.
Arsène : Merci pour le café.
L’artiste : Merci de votre visite.
(1) Atelier de Martine de Baecque, 13, Promenée du Liégat, 94200 Ivry s/r Seine
Tel : 0767356109
Métro : Mairie d’Ivry (ligne 7)
C’est vraiment génial tous ces commentaires Bruno ! ça te ressemble tellement ! Quel dommage que je ne serai pas à Paris a ces dates là !
Baci a te !
grainer avec de l’eau pour effacer les dessins sur la pierre…c’est osé
Le fente : « l’oeuvre EN VOUS », oui ça tente!
regret de n’être parisien cette fois …
Je confirme, l’œuvre est en nous, et continue de travailler notre imaginaire, même après avoir refermé derrière nous la porte de l’expo. A voir!