L’île rouge du bonheur

Invité à une fête dans une ferme au milieu des champs, Arsène découvre les fermiers, lui fraichement à la retraite, elle un peu plus jeune et beaucoup moins fermière ; des gens d’une gentillesse rare.

Arsène est venu avec Leirum, son amie. Ils se garent au bord du chemin ; Yrneh que connaît bien Arsène est en maillot de bain ; il fait cuire un agneau et un porcelet sur un gros brasero.

Plus loin, il y a du monde… Ce n’est pas une rave et comme les invités ont l’air intelligents, c’est encore moins une betterave dit Arsène à Leirum qui sourit.

Rakabab salue Arsène ; ils se connaissent depuis longtemps ; Rakabab lui dit qu’il danse le tango le soir devant l’opéra de Paris ; Arsène connait ce moment poétique où Paris semble au ralenti.

Elleoj est là aussi, sa vielle amie ; ils ne se voient quasi plus, mais comme deux chats, se frôlent et savent qu’il vont danser ensemble ce soir.

Arsène connait le thème de la fête Soucoupes volantes ; avec Leirum, ils se sont fait des chapeaux blagues que les invités trouvent drôle : il y a la coupe volante, donc en dessous… Ben oui !

©BDB

Soudain Leirum voit le costume d’un couple ; elle dit à Arsène : ils sont top ! C’est vrai, mais ils ont tellement chaud que leurs masques tombent : elle touche à l’extase new-age dont il se protège par un rien de lucidité ; on trouve chacun le chemin qui nous mène vers la félicité.

©BDB

La fête célèbre six anniversaires ; c’est une grosse production de bonheur.

On boit du punch, on mange du porcelet et de l’agneau rôtis ; le vin est au tonneau, les longues tables installées en parallèle, rappellent les Banquets Républicains de 1848, quand la République osait la fête au lieu de se contenter d’orner les frontons, aujourd’hui.

La musique monte lentement en puissance, les couples se mettent à danser dans la grange ouverte, une fois remisés leurs costumes ovniesques…

Leirum et Arsène se saoulent de soul ; Arsène claque des mains tous les quatre temps avec Yrneh, qui n’est plus en maillot de bain ; Arsène danse avec Elleoj sur Jumping Jack Flash.

L’événement arrive, la chanson d’anniversaire, préparée sur l’air de Space Oddity de Bowie

Chanter à 80 est difficile sans compter les changements de rythmes, mais l’essentiel est ailleurs…

Les six heureux élus sont invités par le guitariste animateur, à s’allonger sur les coudes, sur la piste en moquette rouge autour de laquelle les invités dessinent un demi-cercle ; l’animateur propose à tout le monde de s’assoir, mais non, c’est mieux de voir les six ainsi…

On les croirait sur l’île rouge du bonheur ; l’une s’appuie sur des genoux amis ; le chant aux paroles mollement moqueuses adoucit leurs muqueuses ; le temps semble suspendu…

Sur l’île on va vers Le jour où le bateau viendra

Arsène pense à la légèreté de L’Embarquement pour Cythère, 1717, de Watteau, où le couple de droite s’envisage mutuellement, l’homme d’à côté invite sa conquête à se lever, son voisin enlace la sienne, encouragé par le buste d’Aphrodite dans les feuillages…

Mais la fête, c’est aussi, c’est surtout la bière à plein bock, où la farandole ondule…

Au premier plan deux couples s’enlacent, s’embrassent,  langues dedans, main aux fesses ; l’esprit flamand de Rubens souffle sur la mythique Kermesse, 1635.

Dans sa jeunesse, Arsène se souvient du fermier Cloarec, qui devait lui donner des clefs ; c’était un dimanche, fin d’après-midi, il avait été de noce samedi, la nuit aussi ; les clefs dans les mains, se yeux brillaient…

Aux champs par tous les temps, quand vient la fête, de verres en verres, les fermiers tanguent, frères, femmes, ivres de vie.

Cette chronique est dédiée à ceux de l’île rouge du bonheur.

 

 

 

 

 

 

 

  1. Merci Bruno pour cette belle vision de la fête, on était si bien sur l’ile rouge !
    Les fêtes de Rubens ont l’air sacrément sympa aussi!

  2. Une fête décrite de façon très imagée au sens propre comme au figuré… Ca fait du bien de sortir des plats ordinaires que l’on nous propose de toutes parts..
    De qui sont ces tableaux festifs que l’on aimerait posséder dans sa salle à manger ?

  3. Quelle émotion de re entendre ce Bowie, si bien ds l’esprit de nos fêtes ! (Où sont elles ? Cela donne envie d’en refaire, bougeons nous, oui !!) Beau mariage des sens, des émotions, texte et tableaux… un tres bon moment

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