Les laisser tranquille

Devant sa porte, elle a beau chercher, sa clef n’est pas dans son sac, elle n’a pas de téléphone, son mari non plus ; c’est le temps d’avant. Alors elle attend et rallume la minuterie. Son fils arrive, lui demande ce qu’elle fait là, sur le palier, à attendre que son mari rentre, alors qu’il y a un café en bas, à l’angle ; il l’emmène.

Merci, dit-elle entre deux gorgées de thé, c’est gentil. Il la regarde. Ce n’est pas bien grave qu’elle ait oublié ses clefs, mais elle a l’air perdu dans le café. Elle n’y aurait jamais été sans lui. Est-ce une question de génération ?

Non. D’autres gens du même âge vont au café. C’est une question de quoi, alors, si des gens y vont et pas d’autres ?

Tôt le matin, près de chez lui, un homme et une femme du même âge que sa mère se retrouvent au café ; elle dessine ; il a enseigné le dessin ; il l’écoute ; pas elle ; il s’en fiche, il est joyeux.

Il est content de les voir, à chaque fois, les deux.

Sa mère est perdue sans son mari ; à son fils, elle dit : Ce matin, ton auguste père a été chez le coiffeur.

Ce n’est pas la première fois qu’il entend sa mère lui parler de son auguste père ; il ne lui demande jamais pourquoi il est auguste, sans être du mois d’aout, comme Philippe-Auguste.

Auguste quand même, c’est beaucoup ; bon, sa mère l’admire, c’est bien.

Son thé est fini maintenant, elle se souvient qu’il ne va pas tarder sans qu’elle sache exactement où il a été ; peu importe.

Il finit sa bière et ses cacahuètes, paye ; ils sortent ; il lui demande si elle veut qu’il l’accompagne, mais non, il est rentré, c’est sûr.

Il n’a pas spécialement envie de saluer l’auguste ; la raison pour laquelle il était passé attendra. Avant de la quitter, il lui demande : tu sais quand le palier est drôle ? Elle ne sait pas : Quand la minuterie.

Un peu plus tard, il croise un type avec son chien, qui à la vue d’un autre chien, s’élance pour le flairer, mais le type ne veut pas, il est pressé ; ça tombe mal, le chien a très envie ; le type utilise la manière forte : Au pied Auguste !

Le chien regarde le type, pense à sa pâtée, ne prend pas le risque, va au pied.

Auguste, s’il savait qu’il est comme son père, mais il ne le saura jamais, sa mère non plus ; femmes, hommes et bêtes, il faut les laisser tranquille.

Mais il ne va plus regarder son père comme avant ; c’est marrant.

 

 

 

 

 

  1. Quelque chose a dû m’échapper dans l’histoire. Le mari ne s’appelle pas Auguste mais il est auguste. Le chien, lui s’appelle bien Auguste, mais ne semble pas auguste.
    Alors pourquoi le fils ne va-t-il plus regarder son auguste père, qui donc ne s’appelle pas Auguste, (comme le chien, je reprécise à toutes fins utiles), de la même façon ?

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