Le réconfort d’abord

La formule « Après l’effort le réconfort » semble tellement vraie qu’on pense qu’elle s’applique partout, au boulot, en rando, au piano, à queue ou queux (1), au bistrot ! Mais il y a un domaine, non des moindres, où il vaut beaucoup mieux commencer par le réconfort, c’est le regard sur l’art…

 

Le guide conférencier est très précieux pour mener vers l’art ; une fois devant, son silence est d’or d’abord, pour laisser l’œuvre parler à qui la regarde…

 

Le regard sur l’art ne dure que s’il l’on s’en sert ; il apporte, alors, le réconfort.

 

Ensuite peut commencer l’effort du savoir, de manière à affiner les premières sensations ; en déclencher d’autres…

 

Après le réconfort, l’effort. Le réconfort excite l’effort. Le réconfort de la contemplation donne de l’énergie pour faire l’effort d’en savoir plus sur l’œuvre.

 

Ceux qui pensent qu’il faut commencer par l’effort, pensent aussi que l’art n’est pas fait pour tout le monde ; pas fait pour ceux qui ne voudraient pas faire l’effort…

 

Quelle idée dangereuse !

 

L’art est fait pour tout le monde ! Il réconforte qui se laisse submerger ; il réconforte surtout ceux pour qui son accès est difficile, parce qu’ils s’imaginent que ce n’est pas leur place (2).

 

Celui qui sait (3) où voir l’œuvre doit permettre à qui ne le sait pas, qui n’a pas accès à ce réconfort, de la voir ; il lui parlera d’art le plus simplement possible, le plus doucement, le plus tendrement, afin que son langage-même ne soit pas une barrière de plus (2).

 

La beauté de l’œuvre réconforte l’âme de qui a fait tant d’efforts pour vivre, arrive épuisé au musée où il erre dans l’aire de l’art.

 

Rencontre-t-il un guide conférencier qui l’aide à différencier les angles de vision sur l’œuvre, comme un jeu, sans enjeu ?

 

Cette rencontre est possible : dans le hall des musées il y a des bancs où l’on peut s’assoir pour être au chaud sans que personne ne vous demande rien. Un guide conférencier peut être assis là aussi, disponible…

 

Tel un Saint-Bernard et son tonnelet de schnaps accroché au cou, le guide-conférencier peut avoir une flasque de whisky tourbé dans sa poche : deux réconforts valent mieux qu’un !

 

Si le métier (4) de guide conférencier sert à quelque chose, n’est-ce pas profondément à ça ?

 

(1) Queux : coquere (cuire en latin) donne coq, nom du cuisinier à bord d’un bateau ; le piano de cuisson est en vente chez Darty : dartos (écorcher en grec), raison pour la quelle Darty vend aussi des couteaux !

 

(2) La place est un roman d’Annie Ernaux qui parle de ce sujet essentiel de la place de chacun dans la société, si difficile à trouver, fonction de l’origine sociale ; certains en prennent trop et d’autres, forcément, pas assez…

 

(3) Guide conférencier, ami, frère, cousin éloigné, collègue, voisin de palier ou de comptoir…

 

(4) Qui paie le guide conférencier puisque ce client n’a pas d’argent ? Il peut faire ça généreusement, mais imaginons qu’il soit payé, car il le fait souvent ; c’est organisé.  Réponses possibles : le musée, la ville, le ministère de la Culture, le ministère de l’Intérieur… Plus l’art souffle, moins les balles sifflent ! Le type venu s’assoir n’était pas dangereux, mais la société qui l’a fait dévisser si.

 

 

 

 

  1. Désolé Bruno, je ne partage pas ce point de vue. Je ne pense pas que l’œuvre d’art ait pour but de réconforter et je ne crois pas non plus que le guide conférencier soit une sorte d’infirmier. Picasso, Bacon ou Auerbach ou même Caravage et les dernières Pieta de Michel-Ange ne sont pas là pour réconforter mais plutôt pour inquiéter et déstabiliser, voir même choquer. Ceci dit, Matisse avait un peu cette vision de l’art, la peinture comme objet de repos ou de remède antidouleur. Lui aussi était un grand artiste, je me sens un peu moins concerné par son œuvre que par celle des artistes précédemment cités, c’est tout, c’est une question de sensibilité…

  2. Et non je ne pense pas non plus que l’art soit fait pour tout le monde et…ce n’est pas grave. Je ne suis pas particulièrement mélomane et ma fille est quand même chanteuse d’opéra ! « …
    Je ne demande pas à tout le monde d’aimer les films que j’aime. Je veux juste ne pas être dérangé pendant leur projection !

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