Le dernier divertissement ?

D’un théâtre l’autre. L’Odéon est occupé par des intermittents du spectacle qui demandent au gouvernement la prolongation de l’année blanche – les guides conférenciers soutiennent leur action, tous les jours à 14 h, place de l’Odéon (1).

Cette occupation en rappelle une mémorable, en 1968. Mais on n’est plus en 1968 ! Tout le monde est loin de descendre dans la rue… Le covid fait-il le vide ?

De l’autre côté de la Seine, le Théâtre de la Ville est occupé à autre chose : les travaux de restauration du bâtiment sont financés en partie par une publicité installée sur une immense bâche, pour Zalando, le site de vente en ligne.

Deux femmes, en déshabillé, l’une tout en rire, penchée vers nous, l’autre allongée, songeuse, une cuisse relevée…

Un slogan « Affirmer ses valeurs. Aujourd’hui pour demain. » Les valeurs, c’est vrai, si l’on ne s’en occupe pas au présent, demain risque d’en manquer…

De quelles valeurs s’agit-il ? Zalando met en scène deux femmes, qui ressemblent à des entraineuses, comme dans un nouveau bordel.

L’Atelier ATHEM  s’occupe du « spectacle » et présente son travail comme « un acte esthétique de communication ».

Zalando n’en rate pas une avec la vidéo We will hug again en 2020 ; pour un peu on y croirait, mais heureusement, on se retient !

Toulouse-Lautrec, réveille-toi ! Ils sont devenus fous (2).

Toi, tu y allais, au bordel, comme ici dans Le Salon de la rue des Moulins, 1894, pour passer du temps avec les dames ; tu as été le premier à capter leur mélancolie ; il reste tes pastels au musée d’Orsay.

Le Théâtre de la Ville devrait regarder de plus près l’esthétique de L’Atelier ATHEM ; une esthétique, sa programmation en revendique une ! Quand même !

Sarah Bernard, grande tragédienne, donna son nom à ce théâtre ; elle allait se reposer à Belle-Ile ; on voit encore son siège creusé dans les rochers près de la Pointe des Poulains ; elle n’avait pas peur des embruns, elle avait du souffle.

A défaut de souffle, pour éclairer la publicité, les formes des spots donnent l’impression du Rimmel, quand nous regardons la bâche depuis le pont au Change, angle retenu ici.

La publicité est-elle devenue le dernier divertissement sur les façades, pour le public sans théâtres ni cinémas (3) ?

Laissons Pascal répondre : « Le divertissement est une chose si nécessaire aux gens du monde qu’ils sont misérables sans cela. » (4)

(1) Le SPGIC, syndicat des guides-conférenciers, rappelle l’essentiel de cette action :

Le comédien Samuel Churin est intervenu pour défendre tous les intermittents de l’emploi et pour dire que l’occupation du théâtre sert à porter leur cause et non seulement pour que les lieux de spectacle soient ouverts au plus vite.

L’occupation va se poursuivre.
Les guides-conférenciers la soutiennent.

Venez, vous aussi, même pour une heure, entre 14h et 16h, aujourd’hui, ou un autre jour de la semaine, place de l’Odéon.

SPGIC 10, Avenue Gambetta 75020 PARIS
syndicatgic[arrobe]yahoo[point]fr

(2) D’habitude c’est Lénine qu’on secoue de cette manière…

(3) Il y a une gigantesque bâche avec une publicité pour smartphone, moins sexy, autour du cinéma Le Rex, donnant au bâtiment un air d’immeuble « paquebot » de 1937 ; comme quoi, parfois, la bâche elle-même fait rêver…

(4) Lire l’extrait des Pensées d’où est tirée cette phrase

 

  1. Ne suis ni troubadour, ni saltimbanque ni gilet jaune. Votre chronique du temps présent qlq peu nostalgique du temps naguère «68»,
    votre chronique me plonge dans la
    perplexité. Votre angle de vue se rapporte au mien. Amclmnt.JF C

  2. Merci Bruno, c’est toujours un plaisir de te lire. À bientôt sur la Place de l’Odéon..

  3. Merci bruno, rdv pris pour un de mes passages….
    Belle ré-vision….du temps et de ses penseurs avisés

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