La vie rêvée du blockhaus

« On est arrivés ce matin et on n’a pas été très bien reçus, car il n’y avait personne sur la plage que des tas de types morts ou des tas de morceaux de types… » est la première phrase de la nouvelle Les fourmis, de Boris Vian, sur le débarquement en Normandie, en 1944.

 

À Dunkerque, en 1940, c’est l’inverse, il s’agit de partir et vite : des milliers de soldats britanniques et français, pris au piège par l’armée allemande, sur la plage de Zuydcoote et sa voisine de Leffrinckoucke, parviennent à s’échapper ; c’est l’opération Dynamo.

 

Week-end à Zuydcoote, le film d’Henri Verneuil, en 1964, raconte cette histoire, côté français ; un chef-d’œuvre ! (1)

 

Sur la plage de Leffrinckoucke, un blockhaus est recouvert de morceaux de verre, collés par l’artiste Bertrand Seguin, en 2014 (2) ; l’idée est géniale, le travail acharné, sans beaucoup de moyens, ni autorisation au début, aidé par quelques étudiants…

 

Le résultat est une œuvre de land art, sublime, au sens propre : la vie rêvée du blockhaus, devenu un objet d’admiration ! Le pseudo de Seguin est Anonyme ; comme si la puissance de son œuvre avalait son nom : le public nombreux vient voir ce blockhaus irréel, somptueux, bijou géant, bloc de poésie…

 

Le verre, ça coupe, les enfants ça gambade sur la plage ; le danger d’écorchure est réel, un problème de conservation se pose, que l’artiste, tout à son geste, ne pouvait pas éternellement assumer…

 

Ce n’est pas son rôle (3) ; il était prêt à détruire son œuvre, ce que l’ancien maire et son successeur tentent d’éviter avec un « indispen-sable » compromis. Mais Bertrand Seguin est déjà passé à autre chose (4)…

 

Tournant le dos à Zuydcoote, on va vers Malo-les-Bains, où le FRAC de Dunkerque (5), installé dans deux entrepôts géants en arrière de la plage, accueille au 6e étage, un documentaire bluffant d’Émilien Leroy, sur la destruction d’un paquebot en Turquie.

 

Si les petits morceaux de verre mènent le blockhaus dans la lumière, les chalumeaux coupent le paquebot en petits morceaux ; des petits morceaux qui sont les matrices de deux œuvres à la puissance colossale !

 

(1) « Un des plus grands films de guerre, un des plus troublants, un des plus riches en résonance… Il empoigne.   Et dans la forme, il brille. » Le Figaro

 

(2) Achevé en 2015, pour les 70 ans de la bataille de Dunkerque.

 

(3) https://www.lavoixdunord.fr/768639/article/2020-06-23/les-jours-du-blockhaus-miroir-de-leffrinckoucke-sont-comptes-moins-que

 

(4) Il est associé à un projet d’art éphémère avec des mats recouverts de verre à Saint-Nazaire : https://www.ouest-france.fr/pays-de-la-loire/saint-nazaire-44600/saint-nazaire-eclats-50-mats-de-miroir-sur-le-blockhaus-stef-6300916

 

(5) Pour y aller : http://www.fracnpdc.fr/?page_id=10

  1. Mon père était sur la plage de Dunkerque. Comme il parlait couramment anglais il a été un des seuls français que les anglais n’ont pas rejeté à la mer. Il a pu rentrer chez lui quelques temps plus tard.
    Ce blockhaus sublimé a l’air magnifique.

  2. Bonsoir Bruno,
    Françoise qui a laissé son témoignage ce matin, ne peut être que ma petite sœur !

    François Rigal, notre père fût pris avec tant d’autres dans la « Poche de Dunkerque « en 1940.
    Il avait 22 ans.

    Ayant travaillé un an à l’Hôtel Savoy à Londres, il parlait en effet couramment anglais.
    Il avait aussi travaillé un an dans un hôtel en Allemagne avant la guerre et avait ainsi appris l’allemand.
    Un jeune homme bilingue anglais-allemand en 1939, cela ne devait pas courir les rues !
    François fut donc promu Officier de Liaison pour les Anglais, comme me l’a raconté Annette, notre mère.
    C’est ce qui le sauva de la mort ou des camps de prisonniers car il fut embarqué sur un navire pour l’Angleterre.

    Ma mère m’a dit que papa lui avait décrit les Anglais écrasant, avec des rames, les mains des malheureux Français qui essayaient, en vain, de grimper dans les chaloupes surchargées.

    Mon père n’a jamais évoqué cet épisode devant moi.
    J’étais encore une trop jeune adolescente à sa mort pour avoir pu en parler avec lui.

    Merci Françoise d’avoir entamé ce témoignage à deux voix !
    A bientôt Bruno,
    Catherine L.
    Parisienne d’un Jour

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