La République passe à table

« J’aimais les drapeaux. La première fête nationale du 30 juin, je me promenais rue Montorgueil avec mes instruments de travail ; la rue était très pavoisée avec un monde fou. J’avise un balcon, je monte et demande la permission de peindre, elle m’est accordée. Puis je redescends incognito ! ». C’est La rue Montorgueil, 1878, de Claude Monet (1).

 

La fête nationale n’existe pas encore ; il s’agit de la « Fête de la paix et du travail » (2), créée le 30 juin 1878 sous la IIIe République, pendant l’Exposition Universelle. Le but est de renforcer l’esprit républicain ; la Chambre des Députés est devenue républicaine l’année d’avant grâce à Gambetta.

 

La « Fête de la paix et du travail » sonnerait faux fin 2019 ; la retraite serait-elle la paix (re)trouvée après des années de travail ? Gouvernement, syndicats, personne en France ces temps-ci, n’a la tête à faire la fête.

 

Imaginons Monet, mort en 1926, revenir aujourd’hui ; il serait surpris : plus jamais aucune rue n’est pavoisée comme le fut la Rue Montorgueil.

 

Pourtant, après les attentats du 13 novembre 2015, le président de la République, François Hollande, avait demandé que chacun mette un drapeau tricolore à sa fenêtre ; mais l’heure n’était pas à la liesse.

 

Au 14 juillet, nous sortons peu les drapeaux ; ils apparaissent quand nous sommes champions du monde de foot, c’est-à-dire deux fois jusqu’à maintenant !

 

Né sous la Révolution, associé à la devise républicaine, le drapeau a été déconsidéré en 1914-18 par la gauche qui a fait rimer patriotisme et nationalisme ; à la Libération de Paris, le 25 aout 1944, grâce au Capitaine des Sapeurs Pompiers Sarniguet, le drapeau français, flotte en haut de la tour Eiffel, à la place du drapeau nazi.

 

Pourtant, progressivement, l’extrême droite s’empare à nouveau des couleurs nationales ; dans les années 1970-80, le drapeau sert de panier géant pour les collectes de fond dans ses meetings, selon le politologue Jean-Yves Camus.

 

Lionel Jospin, en 2002, lors des présidentielles, n’entend pas le bruit sourd du fascisme qui monte… Vaincu, il ne lui restera plus qu’à appeler un « front républicain » !

 

Nous avons le réflexe républicain pas celui du drapeau. Est-ce en souvenir des Banquets Républicains nés lors de la Fête de la Fédération en 1790 que nous mettons la nappe ? C’est à table que nous vivons la France !

 

Toute la Nation est derrière le camembert, les escargots, le foie gras, les huîtres, les cèpes, la pâtisserie, le chocolat, le vin, le champagne…

 

Autant de raisons d’aller faire un tour Rue Montorgueil, dans le bas de la rue Montmartre, rue Tiquetonne : Chocolatier Charles (3), Escargot Montorgueil (4), Stohrer (5), Au Rocher de Cancale (6), le Cul de Cochon (7), G. Detou (8), le Comptoir de la Gastronomie (9), le Cochon à l’oreille (10).

 

Avant de passer à table, ayons une pensée pour les Forts des Halles qui trimaient dur bien avant que ne soit reconnue la pénibilité…

 

Enfin, entrons dans l’église Saint-Eustache, là où les rues Montorgueil et Montmartre se touchent, pour admirer la forêt de piliers et l’œuvre de Raymond Mason Le départ des fruits et légumes du cœur de Paris le 28 février 1969 (11)… Vers Rungis.

 

Bon réveillon !

 

(1) Le tableau est visible au 2ème étage du Musée d’Orsay.

 

(2) La fête du 14 juillet a été instituée en 1880, pour célébrer la prise de la Bastille et la Fête de la Fédération, son premier anniversaire, qui fut une fête historique au Champs de Mars, avec le roi Louis XVI, les députés et le peuple français ; du jamais vu !

 

(3) Chocolatier Charles, 15 rue Montorgueil. Ses bûches qui ne ressemblent pas à celle de Noël, sont sa spécialité toute l’année ; en hiver, le chocolat chaud est une merveille !

 

(4) Escargot Montorgeuil, 38 rue Montorgueil. Helix apersa et Helix pomatia sont assaisonnés à l’ail, aux truffes, au foie gras, au Ricard…

 

(5) Stohrer, 51, rue Montorgueil. Installé sous Louis XV. Ses spécialités sont le Puits d’Amour et le Baba au Rhum.

 

(6) Au Rocher de Cancale, 78 rue Montorgeuil. Tous les écrivains et acteurs du XIXème siècle venaient y manger des huîtres après les spectacles ; elles arrivaient depuis la porte des Poissonniers.

 

(7) Le Cul de Cochon, 98, rue Montorgueil. Sa charmante vendeuse propose des cornets d’ émincées de jambons de pays et délicieux fromages en fines tranches.

 

(8) G.Detou, 58 rue Tiquetonne. Caverne d’Alibaba pour qui aiment faire des gâteaux, la moutarde Fallot, les épices de Rabelais, les fruits confits…

 

(9) Le comptoir de la Gastronomie, 34, rue Montmartre. Avis aux amateurs de foie gras !

 

(10) Le cochon à l’oreille, 15, rue Montmartre. Petit café restaurant de l’époque des Halles, où sur un mur peint, il y a l’origine du mot clochard, liée à la cloche de l’église Saint-Eustache.

 

(11) La sculpture est située sur la gauche de l’église, dans laquelle on entre par la droite.

http://francoismunier.over-blog.com/2017/06/le-depart-des-fruits-et-legumes-du-coeur-de-paris-le-28-fevrier-1969-de-raymond-mason-eglise-saint-eustache-a-paris.html

 

 

 

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