Ils bandent au Louvre
Assis sur un banc, au Louvre (1), un type regarde la sculpture Satyre et Bacchante réalisée par James Pradier entre 1830 et 1834 ; Arsène s’approche ; le type est scotché sur l’œuvre ; Arsène ne veut pas le déranger, mais l’œuvre le travaille aussi.
Le type : Asseyez-vous, il y a de la place pour deux.
Arsène : Ah, merci.
Ils restent un moment à regarder en silence.
Arsène : La femme me plait plus que l’homme.
Le type : C’est Juliette Drouet, la modèle préférée de Pradier, avant qu’elle devienne la Juju de Totor (2) ; voilà pour la marrade ; ce qui est moins drôle, Étex un élève de Pradier, l’a accusé de surmoulage.
Arsène : C’est-à-dire ?
Le type : Tricher, enduire le corps de plâtre ; comme la sculpture érotique du musée d’Orsay, Femme piquée par un serpent, de Clésinger, soupçonné aussi.
Arsène : Il triche peut-être, n’empêche, quand je la regarde, je suis en feu ; pas vous ?
Le type : C’est différent ; j’ai l’habitude…
Arsène : Vous avez l’air de vous y connaître ; vous êtes spécialiste ?
Le type : Oui ! Mais pas de ça.
Arsène : De quoi alors ?
Le type : Je suis acteur porno.
Arsène : Non !
Le type : Ben si.
Arsène : Je regarde parfois des vidéo pornos ; et vous êtes là, à côté de moi, au Louvre. C’est dingue !
Le type : Vous pensiez que les acteurs porno ne s’intéressaient à rien d’autre ?
Arsène : Ne le prenez pas mal. Quand je regarde une vidéo porno, ça m’excite, et souvent, j’aimerais être à la place des acteurs. Tout à l’heure, j’ai été frappé par l’intensité de votre regard sur cette sculpture. Elle vous plait, hein ?
Le type : Oui.
Arsène : Cette bacchante est excitante ; les vidéos pornos m’excitent aussi ; pour moi, les deux sont irréelles.
Le type : Pourquoi ?
Arsène : Elle est en marbre, donc c’est raté pour lui proposer de boire un verre ; quant à ma vie sexuelle, elle est vraiment loin d’une vidéo porno.
Le type : Vous ne baisez jamais ?
Arsène : Moins que vous !
Le type : Je ne voulais pas faire le malin ; vous savez c’est pas des vacances, on bosse !
Arsène : Pourtant quand je vois l’aisance avec laquelle vous baisez, comme une évidence, ça me donne envie, oui.
Le type : C’est fait pour ! C’est du spectacle ! Les caresses en tous genres, les gros plans, les mouvements de bassin, la taille du sexe. D’ailleurs mon surnom, c’est Grobi, comme grosse bite.
Arsène : Enchanté, je m’appelle Arsène.
Grobi : Cette bacchante, je la connais depuis longtemps, je viens régulièrement la voir… Quand vous êtes arrivé, j’étais mou. Mais c’est fini, ça va mieux, je bande. Merci.
Arsène : Je vous en prie. Moi aussi elle me fait bander. C’est la première fois au Louvre, avec une œuvre.
Grobi : Je vous laisse avec elle, Arsène, je dois aller bosser.
Arsène : Je vous accompagne un peu, Grobi ; j’aimerais savoir comment vous êtes devenu acteur porno.
Grobi : J’étais au chômage et je jouais au foot ; dans les vestiaires, un joueur a vu ma bite et m’a dit qu’avec un engin pareil je pourrais jouer du porno ; il avait des contacts, voilà.
Arsène : Moi aussi en ce moment je suis au chômage.
Grobi : Venez avec moi jusqu’au studio, vous allez voir.
Arsène : On peut juste voir ?
Grobi : Oui. Mais vous aurez peut-être envie d’essayer, je vous sens motivé.
Arsène rougit, il repense au banc, à la bacchante.
Arsène : Je bande encore
(1) La sculpture est installée dans l’aile Richelieu, salle 225, autour de la Cour Puget.
(2) Victor Hugo
Trop drôle ton texte ! Bravo !
les 2 cochons en bande du Louvre ne peuvent nous laisser de marbre !
Vu sous cet angle, il vaut mieux l’avoir blanche et droite que black et d’équerre…