Il y a du boulot de ce côté-ci !

©Anne Gée

En regardant cette encre, un ami (1) me dit : je vois des personnages qui dansent à l’horizon. Je lui demande si ça lui plait ; pas tant que ça, il se méfie de cet aspect anecdotique.

Je regarde souvent cette encre ; j’aime ces personnages qui dansent, qui sont un contrepoint aux ondulations du premiers plan, comme dans des œuvres où les formes donnent vie à nos songes…

La colline de neige mouillée, blafarde, décore une lampe, en forme de cylindre. Même allumée, l’atmosphère neigeuse reste présente, froide ; on mouillera nos chaussures en s’approchant des rochers.

©Anne Gée

Cette lampe, je l’ai souvent regardée dans la vitrine d’une boutique de ma rue ; un jour je l’ai achetée.

Lorsque mon ami se méfie de l’anecdote, craint-il qu’elle apporte son lot de facilité à une œuvre qui devrait pouvoir se passer de cet aspect narratif, échapper à cette tentative de séduction, pour rester dans une veine strictement abstraite, une recherche formelle ?

Je ne lui demande pas ; je reste dans mon champ de neige.

La contemplation ne se justifie pas, dure dans la solitude d’un après-midi, à proximité du meuble où la lampe est allumée.

Ce paysage à l’encre est fait de quelques gestes du pinceau, plein d’eau et d’un peu de noir. Anecdotique ?

Les personnages que mon ami voit avancer sur l’horizon signent son imagination alors même qu’il s’en méfie, comme s’il ne voulait pas se faire avoir…

Se faire avoir par quoi ? Y aurait-il un rapport de force, un bras de fer, entre l’œuvre – l’artiste derrière – et nous ?

La solution – il y en a une – est de laisser l’artiste à sa place, derrière, de l’autre côté, et de nous occuper de ce qui nous regarde : l’œuvre et nous qui la regardons. Il y a du boulot de ce côté-ci !

(1) Je lui dédie cette chronique.

  1. moi aussi, je vois des arbustes ! manquons-nous d’imagination ? ou bien l’idée de personnages serait-t-elle dérangeante ? des migrants de passage, adultes et enfants, traversent la montagne enneigée vers un avenir moins pire que celui qu’ils laissent derrière eux à chaque pas.

  2. Moi aussi je vois parfois des arbustes, parfois des personnages… J’ai axé cette chronique, sur la soi-disant limite de l’anecdotique, limite à laquelle je ne crois pas du tout.
    Au-delà de ça, chacun, chacune, voit quelque chose, ou rien, fonction de tellement de choses personnelles, secrètes…
    Notre imaginaire s’ouvre ou non, c’est comme ça.
    Quant aux personnages que je vois parfois, passer à l’horizon, depuis le temps que je regarde le paysage de cette lampe, je pense à la chanson De corps et d’esprit de Bertrand Belin https://www.youtube.com/watch?v=TI0ZiL2Yz90

Laisser un commentaire

  • Aucun des champs ci-dessous n’est obligatoire.
  • Ce que vous saisissez sera conservé indéfiniment.
  • Votre adresse IP est anonymisée.

Résoudre : *
14 + 17 =