Degas, ses danseuses nous médusent

« … on n’a pas de talent si l’on n’aime avec passion ou si l’on ne hait de même ; l ‘enthousiasme et le mépris sont indispensables pour créer une œuvre ; le talent est aux sincères et aux rageurs, non aux indifférents et aux lâches. » écrit Huysmans dans Certains. Critique d’art, il passe en revue certains artistes : Degas « exprime une surgie expansive ou abrégée d’âme, dans des corps vivants, en parfait accord avec leurs alentours. »

 

Regardons ses œuvres avec talent, dans l’exposition Degas à l’Opéra au Musée d’Orsay (1) nourrissons-nous avec enthousiasme et rage, collectionnons des souvenirs…

 

Dans la première salle nous voyons des copies d’anciens : Degas revisite La crucifixion de Mantegna, dessine L’Esclave mourant de Michel-Ange, le Gladiateur Borghèse, etc…

 

Il emmène la Renaissance ailleurs par la seule grâce de son pinceau, sans aucun artifice d’espace (2).

 

Degas fut un Impressionniste hors plein air, préférant « ce que l’on ne voit plus que dans sa mémoire » ; il puisait son inspiration dans sa fréquentation assidue de l’Opéra pour vider son seau de mémoire picturale dans son atelier.

 

Sur son chevalet jaillissaient des jambes esquissées, des tutus en pastel, des têtes et des instruments de musiciens dans la fosse, des éclats de lumière…

 

Ludovic Halévy (3), son ami intime, écrivit les nouvelles Monsieur et Madame Cardinal et Les Sœurs Cardinal sur la part d’ombre de l’Opéra où dans l’ombre des lustres une petite bourgeoisie s’illustrait par sa bassesse. Degas dessina les regards torves d’abonnés à l’affût des danseuses mal payées…

 

Degas variait les supports, ses éventails sont peints comme des décors miniatures ; variait les formats, il « diagonalise » dans des toiles rectangulaires.

 

Degas était surtout un dessinateur ; ses esquisses illuminent les murs de l’exposition. Pour son enterrement au cimetière de Montmartre, il avait dit au caricaturiste Forain : « Je ne veux pas de discours ! Ah si ! Forain, vous en ferez un. Vous direz : il était dessinateur. »

 

Paul Valéry, de 37 ans son cadet l’avait rencontré, regardé, raconté dans Degas Danse Dessin. (4) Page 33 : « Mallarmé dit que la danseuse n’est pas une femme qui danse, car ce n’est point une femme, elle ne danse pas. »

 

Loin de s’alarmer de Mallarmé, Valéry renchérit : « La plus libre, la plus souple, la plus voluptueuse des danses possibles m’apparut sur une écran où l’on montrait de grandes Méduses : ce n’étaient point des femmes et elles ne dansaient pas. »

 

Degas, ses danseuses nous médusent !

 

(1) Jusqu’au 19 janvier 2020

https://m.musee-orsay.fr/fr/expositions/article/degas-a-lopera-47631.html

 

(2) Olympia de Manet, d’après La Vénus d’Urbino de Titien, ouvre la porte de l’Art Moderne en fermant le rideau sur la perspective…

 

(3) Ludovic Halévy (1834-1908) librettiste – de libretto, auteur du livret, texte en vers de l’opéra – composa avec Meilhac La Belle Hélène d’Offenbach, Carmen de Bizet, etc…

 

(4) Degas Danse Dessin, 2018, Paul Valéry, Folio Essais

Regardez cette vidéo sur Youtube qui s’en inspire

https://www.youtube.com/watch?v=brenl_Vzg5I

 

 

 

 

 

 

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