Baselitz, pas de sens interdit

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Le sexe en érection de La Grande Nuit foutue sort comme une massue ; des pieds en morceaux, aux couleurs vives, inspirées par Soutine, la guerre, les travaux préparatoires du Radeau de la Méduse de Géricault ; ces peintures sont accrochées dans les deux premières salles de l’exposition Baselitz au Centre Pompidou.

Né en RDA en 1938, près de Dresde, d’un père nazi, dans le village de Baselitz, il s’appelle Hans-Georg Kern.

« Je suis né dans un ordre détruit, un paysage détruit, un peuple détruit, une société détruite. Je n’ai pas voulu réinstaurer un ordre ; j’avais vu assez de soi-disant ordre…Je suis brutal, naïf, gothique »

Il fragmente les corps, leur fait faire un quart de tour, et encore un quart, donc: il peint à l’envers à partir de 1969.

L’homme contre un arbre est sa première tentative. Le corps tombe doucement, sa tête s’enfonce un peu ; je ne me penche pas, ni ne l’imagine dans l’autre sens, je vois sa chute lente.

Un type s’approche de moi et me dit : j’ai l’impression que Baselitz se fout un peu de ma gueule. Je le regarde : vous n’êtes pas obligé de répondre si vite à sa provocation ; il peint comme il veut, et vous regardez de même ; ce n’est pas grave. On se souhaite une bonne visite.

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Dans Peinture au doigt – aigle, le ciel s’ouvre : je suis au dessus du rapace, je le regarde en plongée, je flotte. Je pense au type, j’espère qu’il flotte aussi.

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Devant Le joueur de tambour, je demande au gardien ce qu’il voit : un homme aux mains crispées, qui tombe, avec du sang. Son genou replié lui donne l’air détendu, il se repose sur un lit de boue noire, dis-je. Le gardien hésite, il ne le voit plus tomber. Je découvre à mon tour  ses mains crispées et le sang. Après ces échanges de regards, nous nous quittons, heureux.

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Les filles d’Olmo II, est l’une des peintures les plus joyeuses de l’exposition, celle que le public connait le mieux. C’est l’affiche ! La ballade à vélo, nue, laisse toute sa place à la peinture ; Baselitz est d’abord un artiste haut en couleurs !

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Dernier autoportrait en hommage à Munch, très rouge, avec cheveux et entre jambes blancs ; je suis fasciné par sa sauvagerie : je vois un indien, à l’envers.

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Trois sculptures sont taillées à la hache, peintes en jaune : ce sont des visages de femmes de Dresde qui ont ramassé les morceaux de la ville en ruine, en 1945 ; Baselitz avait 7 ans.

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Un jeune homme à l’endroit, avec peu de peinture, me fait penser à Basquiat ; parsemé de gouttes, rouge vif, comme chez Pollock.

Le type du début s’approche à nouveau de moi : vous aviez raison, il n’y a pas de sens interdit ; ça m’a beaucoup plu, et vous ? Moi aussi : « pas de sens interdit », c’est une bonne clef pour ouvrir les regards.

 

 

 

 

 

  1. Magnifique façon de nous faire regarder… Je rejoins un peu, par nature, le visiteur du début… et sa franchise de la fin.

  2. salut Bruno, nous serons à Paris du 15 au 20 février et nous voulons aller voir l’expo Baselitz aurais tu un créneau pour une visite? Bises Daniel

  3. Tu as le don de me (nous) faire découvrir et apprécier des oeuvres et des artistes à côté desquels je serai passé sans le savoir.

  4. Oui, c’est magistral …on aimerait avoir la même intelligence de la sensibilité…et il y a aussi les mots pour le dire…merci Bruno

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