Abstraites, ces lèvres ?

« Il n’y a pas d’art abstrait. Il faut toujours commencer par quelque chose. On peut ensuite enlever toute apparence de réalité, il n’y a plus de danger, car l’idée de l’objet a laissé une empreinte ineffaçable. » a dit Otto Freundlich, l’un des artistes à l’origine de l’art abstrait, à Christian Zervos (1).

 

« Plus de danger » : cruelle ironie, les nazis s’attaquent à son œuvre – sa sculpture Grande tête, 1912, est en couverture du catalogue de l’exposition Les arts dégénérés (2) ; Otto Freundlich est gazé au camp de Sobidor en 1943.

 

Son œuvre est exposée au Musée de Montmartre : Otto Freundlich, la Révélation de l’Abstraction (3).

 

Après avoir découvert le Bateau Lavoir en 1908 – il devient l’ami de Picasso – il passe six mois dans l’atelier de restauration de la Cathédrale de Chartres en 1914 ; il est      « marqué à toujours » par les couleurs des vitraux et la forme des ogives, base de son vocabulaire plastique.

 

Composition 1919, pastel – illustration – est la couverture du catalogue de l’exposition : quelles lèvres sensuelles ! Abstraites ? Allons, allons…

 

Sous les « lèvres » convergent des demi-ogives qui m’évoquent le manteau multicolore d’une femme : « l’idée de l’objet a laissé une empreinte ineffaçable » !

 

« Je ne sais pas ce qui est beau, mais je sais ce que j’aime    et je trouve ça amplement suffisant » est un aphorisme      de Boris Vian (4).

 

J’aime ce pastel : ces lèvres ne s’effacent pas…

 

(1) Christian Zervos fut critique d’art, fondateur de la revue, Les Cahiers d’Art.

 

(2) Exposition organisée à Munich en 1937 où les Nazis hurlent leur haine de l’art moderne.

 

(3) Lien pour l’exposition : https://museedemontmartre.fr/exposition/otto-freundlich/

 

(4) Visible dans les rames de métro à l’occasion des 100 ans de sa naissance en 1920 ; à partir de 1953, Boris Vian habite Montmartre, 6 bis cité Véron, accessible au 94, bd de Clichy.