Se rassembler place de la République

Imaginez que vous êtes un boulet tiré par un canon de la police à l’époque de Napoléon III : vous longez les lignes de balcons de l’avenue de la République, ou celles du boulevard Voltaire à moins que le canon vous envoie vous faire voir boulevard du Temple…

Avez-vous remarqué que la place de la République est devenue piétonne ? Installés à l’endroit du canon de manière à entrer visuellement dans chacun des trois axes  précités, vous voyez comment Haussmann facilitait la tache à la police de proximité pour réprimer trois émeutes avec un seul canon.

 

Elle a les yeux revolver, elle a le regard qui tue

Elle a tiré la première, m’a touché, c’est foutu

 

Aucune vue d’avenue haussmannienne ne vous fera jamais l’effet de cette chanson de Marc Lavoine, néanmoins la place de la République offre enfin une occasion inespérée à Paris où tant de gens aiment les appartements haussmanniens, de découvrir les avenues alignées si typiques de son style.

 

Vous préférez regarder autour du socle de la statue de la Liberté où les hauts-reliefs de Dalou font jaillir les grandes heures de la Révolution, depuis le Serment du Jeu de Paume, le 21 juin 1789, jusqu’à l’avènement du Suffrage Universel, en passant par l’abolition des privilèges, le 4 août 1789, et l’évocation du calendrier révolutionnaire…

 

Pendant longtemps la place fut un lieu de trafic urbain : les voitures faisaient une partie du grand tour ou la traversaient en longeant et négligeant les hauts-reliefs, sinon le pare choc de devant enfoncé entraînait un arrêt momentané des deux conducteurs qui, prenant pour « témoins » les députés dans la salle du Jeu de Paume, pouvaient espérer que leurs compagnies d’assurance aient le sens de l’humour et de l’histoire à la lecture de leur constat.

 

Pendant ce temps donc, personne ne regardait rien sur cette place. Aujourd’hui des bancs en bois massif permettent au promeneur de vivre un moment de la chanson de Renaud :

« M’asseoir cinq minutes sur un banc avec toi à regarder les gens tant qu’y en a ».

 

Renaud s’en prend dans une autre chanson à la République dont la place continue à voir passer des manifs où slogans et banderoles crient l’envie de ne pas se faire tringler par les forces capitalistes alors que l’artiste ne trouve pas son fusil :

 

«  Les marches militaires, ça m’ déglingue

Et votr’ République, moi j’ la tringle,

Mais bordel ! Où c’est qu’ j’ai mis mon flingue »

 

Mais surtout, hors des rassemblements, la nouvelle place accueille d’autres moments creux où chacun peut en profiter pour essayer de rassembler les différentes parties de lui-même.

 

Bruno de Baecque

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