Modigliani peint le visage de la douceur

Modigliani est mon peintre préféré ; je le sais depuis que j’ai été au LAM à Villeneuve d’Ascq voir l’exposition Modigliani, L’œil intérieur.

 

Modigliani a peint essentiellement des portraits et des femmes nues dont Nu couché, acheté fin 2015 par un richissime chinois, mais laissons cela ; riche est un mot qui convient mal à Modigliani, ou alors riche d’intérieur ; il serait richissime…

Modigliani admirait Picasso ; il avait l’impression qu’il ne valait rien à côté. Picasso et lui, comme d’autres, ont été fasciné par les masques africains. Picasso a dit qu’un jour il avait compris que le masque se défendait contre tous et que sa peinture aussi.

 

Modigliani n’a pas éprouvé le besoin de se défendre. Des masques, il a regardé les courbes, celles du nez, des yeux, et il a inventé son style merveilleux. Au LAM, quand on regarde les masques africains, et les dessins de Modigliani, ça saute aux yeux.

 

Sauter aux yeux, pourtant l’expression ne convient pas, ce n’est pas ainsi, soudain, que les choses se passent, jamais ; si l’œuvre commence par frapper fort à notre porte, c’est parce qu’elle insiste longtemps, de plus en plus doucement, qu’à la fin on lui ouvre.

 

Modigliani, en dehors des masques, a été fasciné par l’art khmer qu’il a découvert au palais du Trocadéro, mais qu’on voit aujourd’hui au musée Guimet. Après être rentré du LAM, j’ai été y faire un tour et ce fut l’enchantement : des sourires, des divinités avec des seins de bimbos en granit du XIIe siècle…

 

Au LAM, les portraits d’amis, de collectionneurs qui l’ont soutenu, Paul Guillaume, Léopold Sborowsky, Roger Dutilleul, ont des visages ovales qui s’inspirent des cariatides. Modigliani fut un sculpteur de cœur encouragé par Brancusi, dont on voit des œuvres aux formes pures.

 

D’entrée l’impureté attaqua Modigliani, gravement malade de la typhoïde et de la tuberculose dans sa jeunesse, qui l’écarta de son art essentiel, la sculpture ; plus tard l’alcool fit le reste…

 

C’est dans l’impur que rode l’art qui mène l’artiste vers des cimes en passant des cols avec ou sans alcool ; il en tire son épure. Celle de Modigliani m’attire par sa délicatesse.

 

Modigliani ne peint pas la douceur du visage, il peint le visage de la douceur.

 

Bruno de Baecque

 

  1. Oh ! Que c’est beau ! J’aimais beaucoup Modigliani enfant, puis je l’ai moins aimé (comme on aime moins le sucre, je l’ai trouvé trop doux), et voilà que BdeB me fait prendre conscience que j’étais un imbécile : “de la douceur, de la douceur, de la douceur”, comme disait Verlaine. C’est quand même pas mal le mots : il n’est même pas nécessaire que je revois tout de suite un Modigliani, seulement à travers les mots, à travers l’admiration de BdeB, ses peintures apparaissent dans ma mémoire et je les aime à nouveau. Merci 🙂

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