Le torrent Picasso

L’homme ou la femme qui font la manche dans le métro, on les regarde ou pas, on leur donne ou pas quelque chose. Picasso regardait ces gens-là, il avait de l’empathie pour eux, sinon il n’y aurait jamais eu de Période Bleue.

 

L’exposition Picasso Bleu et Rose vient de commencer au musée d’Orsay (1) ; elle nous plonge là-dedans. On voit des gens qui vont mal, dont le regard est fatigué ; on les voit de face ou de dos, on voit la Bohème, la vraie, de Montmartre ou d’ailleurs, où la faim rôde, où la vie est dure, où les têtes sont hirsutes.

 

Picasso le surdoué, a l’intelligence de considérer les artistes modernes qui viennent de le précéder : Van Gogh, Rodin, Cézanne, Ingres.

 

La touche de Van Gogh inspire La Mort de Casagemas.

 

Rodin l’influence par ses volumes : dans Les pierreuses (2), les dos des deux femmes dont on devine la pointe des omoplates, sont un sujet en eux-mêmes.

 

Sur l’affiche de l’exposition qui montre un acrobate en équilibre, le dos du personnage au premier est comme un rocher creusé.

 

« Cézanne, c’est notre père à tous » disait Picasso. Dans Meneur de cheval nu, la simplification des formes héritée de lui et la fusion des couleurs entre le premier plan et l’arrière plan, donne une présence irréelle.

 

Et puis il y a Ingres dont les visages ovales du Bain Turc le mènent aux portraits de jeunes femmes aux cheveux longs qui semblent sortir de la mer ; la révolution des Demoiselles d’Avignon est en route, qui n’est donc pas due uniquement à la découverte des masques africains.

 

L’exposition commence par un autoportrait Yo Picasso où sa chemise blanche jaillit comme une cascade. Picasso est un torrent. N’ayons pas peur d’être emportés par la force de sa peinture !

 

(1) L’exposition est coorganisée par le musée d’Orsay et le musée Picasso, dont le directeur, Laurent Lebon, est le commissaire.

http://www.musee-orsay.fr/fr/evenements/expositions/aux-musees/presentation-generale/article/picasso-47542.html?cHash=b2fe0866c2

 

(2) Dans les petits salons du restaurant La Pérouse, quai des Grands Augustins, il y a des miroirs sur lesquels on voit des rayures ; traces laissées par les pierreuses, cocottes que des hommes sortaient le soir et dont ils s’offraient les charmes d’un diamant (ou non), ce qu’elles vérifiaient d’un coup de griffe sur la glace tandis qu’il était parti aux toilettes…

 

Les commentaires sont fermés.