Le Maniérisme commence fort !
Dites-moi ce que vous voyez. Il s’agit du détail d’un tableau. L’occasion de découvrir la richesse d’un mouvement pictural, annonciateur d’une révolution, le Maniérisme. Pendant le XVIe siècle, des peintres italiens prennent des libertés dans leur manière de traiter leur éternel sujet, l’éternité.
Un autre monde s’ouvre derrière leurs inventions picturales. Notre imagination moderne se laisse aller : Que voyez-vous ?
La Vierge et l’enfant avec sainte Anne et quatre saints, 1527-1529, de Jacopo Carucci dit Pontormo (1494-1557), dont j’ai extrait le détail, est accroché dans la Grande Galerie du Louvre.
Le Maniérisme porte mal son nom, qui induit maniéré, faire des manières, alors que dans La Visitation, 1528-1530, du même Pontormo, la nouvelle manière donne un esprit de carnaval avec ses couleurs, son rythme ; ce que se disent ces deux personnes est moins captivant que les remous flashant de leurs robes…
La cousine de la Vierge lui rend visite : tu veux un thé, vert, noir ? Plutôt vert, orange, bleu, rose, mais ce n’est pas du thé ; les couleurs n’infusent pas, elles fusent !
Peut-être les chrétiens, qui admiraient ce tableau dans l’église Saints-Michel-et-François, à Carmignano, en Toscane, avaient-ils hâtent de prendre un aller simple pour le Paradis ? Mais nous, regardeurs modernes, qui en sommes revenus, pouvons nous laisser couler dans ces tourbillons qui donnent envie !
Le bleu et le rose palissent, mais le rythme reste le même, dans La Déposition, 1526-1528, encore de Pontormo (1), visible dans la chapelle Capponi de l’église Santa Felicita à Florence.
Le drame du Christ, aux lèvres violettes, n’est pas l’essentiel de cette soirée aux Bains-Douches, où la Vierge se pâme dans cinquante nuances de bleu pale…
Quel bain de peinture ! Une fois au bord de la piscine, les voix de l’avant-garde et de l’art moderne nous réchauffent : le Maniérisme a été reconsidéré au XXe siècle ; mieux vaut tard que jamais !
Le Maniérisme a commencé avec le manifeste de Pontormo, toujours lui, Retable Pucci, en 1519, sa plus grande peinture, visible dans l’église San Michele Visdomini à Florence ; Vasari, historien d’art du XVIe siècle écrit : « C’est le retable le plus beau jamais peint par cet artiste si rare ».
Ils ont l’air de bien s’amuser, les angelots ; Jésus aussi, sur les cuisses de Joseph ; même la Vierge sourit ; l’atmosphère est détendue ; que se passe-t-il de si drôle ? À croire que tout le monde s’en fout ; pas bon pour le dogme… Le Maniérisme commence fort !
En 1963, Pier Paolo Pasolini, passionné par le Maniérisme, tourne La Ricotta, moyen métrage de 35mn sur la Passion du Christ ; les comédiens qui jouent la scène de la Déposition, ont un fou rire…
Pasolini est condamné à 4 mois de prison avec sursis pour « outrage à la religion d’État », mais en appel, le procureur retire sa plainte : son film L’évangile selon saint Mathieu vient d’être sélectionné pour représenter l’Italie au Festival de Venise.
Dans la Ricotta, lors des pauses, les rires des comédiens jouant la scène de la Déposition nous permettent d’imaginer l’ambiance dans l’atelier de Pontormo lorsqu’il peignait les angelots rigolos…
(1) Il ne fut pas le seul peintre maniériste ; il y a eu aussi : Tintoret, El Greco, Archimboldo, Véronèse, del Sarto, Parmigianino, del Piombo…
intéressant et très vivant
les religions sont aujourd’hui très décriées, elles auraient fait plus de mal que de bien. Mais qu’aurions nous à voir dans un village ou une ville sans « église », chapelle, musée, histoire plus ou moins terrible ?
Parfois ennuyeux certes, mais ici il y a de la joie dans ces couleurs et ces attitudes…
Merci !