Le Génie de la Liberté du regard
Les voitures tournent autour de la place de la Bastille sans se soucier du Génie de la Liberté, en haut de la Colonne de Juillet, toujours en appui sur sa jambe gauche.
Colonne de Juillet dont les trois dates 27, 28 et 29 juillet 1830, rappellent les Trois Glorieuses à l’issue desquelles le premier roi des Français remplaça le dernier roi de France ; il n’y eut jamais de deuxième roi des Français, mais ceci est un autre histoire…
La nôtre commence à la sortie n°3 du métro Bastille où la vue est magique : sans voiture aucune, le fut de la colonne s’impose dans le ciel, parmi les tiges verticales de quelques lampadaires. Place à l’espace !
La place s’étale dès qu’on monte, pour fuir de tous côtés ; il est clair que c’est le mouvement giratoire autour du trottoir central, donc autour de l’axe de la colonne, qui ancre la place, autour de laquelle tout tourne, alors tournons…
Sur le petit terre plein au milieu du goulet qui mène de la place de la Bastille à la rue du faubourg Saint Antoine, le génie s’élance, la ligne de sa jambe d’appui se prolonge dans ses deux ailes dans un mouvement pur comme une épure.
Prenons la rue du faubourg Saint Antoine jusqu’au n°56, devant l’entrée de la Cour du Bel Air, et retournons-nous : le génie est là bas, posé sur un toit ; il y a une version avec boule, comme au cirque, une autre sans, au choix.
Revenons vers la place jusqu’à l’entrée du boulevard Richard Lenoir : une courbe se dessine du genoux du génie à son épaule, puis le bras s’élance pour que la torche éclaire le plus haut possible. Les oiseaux, qui m’en parlent, apprécient qu’il n’ait pas de vraie flamme !
Continuons jusqu’à la rue Saint Antoine en nous installant sur les traces au sol de l’ancienne Bastille, entre la bouche de métro et le kiosque à journaux : l’élan du génie a disparu, il est en équilibre sur sa boule, ses bras font balancier.
Prenons la rue Saint Antoine jusqu’à l’entrée de l’école des Francs Bourgeois, au n° 21 : au loin le génie sautille, ses ailes et ses bras brassent l’air. Incroyable !
Revenons vers la place, sur le terre plein central à l’entrée du boulevard Henri IV : en petites foulées, le génie tient fièrement son flambeau comme d’autres la flamme olympique…
Enfin, sur le large trottoir devant les grilles qui dominent le port de Paris Bastille, sa foulée s’allonge à mesure qu’apparaît sa jambe arrière : il court, il court le génie !
Vu sous ce dernier angle, on voit bien ses chaînes brisées ; ces chaînes, tiens, tiens… Qu’est-ce qu’un regard déchaîné sinon celui qui prend la liberté de faire le tour de la Bastille et pourquoi pas le tour du monde ?
Bruno de Baecque