La guerre des bouffons

Graffitis sur l’Arc de Triomphe. Monument symbolique de la République, comme le répètent tant de médias. L’Arc de Triomphe a été ordonné par Napoléon Ier, en 1806, inauguré en 1836, sous la Monarchie de Juillet. Tout cela n’a rien de républicain ; la République l’a adopté depuis : le défilé du 14 juillet y commence ; le 11 novembre y est célébré.

 

La dernière édition a rappelé la joie des poilus à l’armistice, à travers leurs lettres, même si avant ce fut l’horreur.

 

L’horreur, les graffitis de l’Arc de Triomphe ? Ils hurlent autre chose : qu’il y en a marre, marre à bout de force de ne pas manger assez.

 

Une femme a interpellé sur France Inter, Philippe Aghion, économiste de renom, inspirateur de Macron, professeur au Collège de France : « Savez-vous monsieur, ce que signifie le verbe manger ? ». Sa réponse fut faible : nous avons essayé de nous mettre à la place des gens « comme vous ».

 

« La faiblesse des tout puissants », Gérard Manset la chante dans son chef-d’œuvre Comme un lego dont le clip est saisissant (1).

 

Les tout puissants, les premiers de cordée… Mais si la cordée ne suit pas, pire tire vers le vide. Aie ! Ne sommes-nous pas tous ensemble, ceux qui ont déjà réussi et ceux qui réussiront plus tard ?

 

Mais tout le monde a-t-il envie de réussir ?

 

Avoir envie d’autre chose. Prendre un cutter, un morceau de feutrine, le découper en plusieurs morceaux… Il s’agit de Wall Hanging par Robert Morris (photo)

 

Un nez de monstre s’élargit jusqu’à devenir un totem, un masque de carnaval…

 

Robert Morris est mort le 28 novembre 2018. Il fut l’une des figures du Minimalisme, un courant de l’art contemporain, héritier de l’esprit du Bauhaus et de la devise de Mies Van der Rohe : « Less is more ».

 

Dans la collection du Musée National d’Art Moderne, au Centre Pompidou, une autre œuvre de la série Wall Hanging (2) ressemble à un sourire ouvert en « rire carnavalesque ».

 

Gérard Noiriel, historien spécialiste des mouvements populaires, est interviewé par Alexandra Schwartzbrod dans Libération du 3 décembre à propos de la violence de samedi soir à Paris ; il répond à la question : comment éviter que cela dégénère ?

 

« Le mouvement pourrait prendre une autre tournure s’il était soutenu par des gens capables de proposer d’autres formes de spectacle que la violence. Je pense par exemple que les artistes, menacés par une remise en cause du statut des intermittents, pourraient se solidariser en renouant avec des formes anciennes de contestation populaire qu’on appelait, bien avant les mouvements ouvriers, les charivaris : l’humour permettait de contester le pouvoir en mobilisant le «rire carnavalesque». Aujourd’hui, il faut faire le spectacle pour exister dans l’espace public. Si les «gilets jaunes» utilisaient ces ressources, les lieux de blocage deviendraient des lieux de convivialité, ce mouvement deviendrait encore plus populaire. Un mouvement, on lui donne du sens. Si on laisse les forces violentes et l’extrême droite prendre le dessus, il ne faut pas s’étonner si ça dégénère. »

 

Une seule solution : la guerre des bouffons !

 

(1) Pour écouter la chanson : https://www.youtube.com/watch?v=ewA-MfRI2Uo

 

(2) Pour voir l’œuvre : https://www.centrepompidou.fr/cpv/resource/c5eBbqa/rrgqjja

 

(3) Pour lire l’article en entier : https://www.liberation.fr/france/2018/12/02/gerard-noiriel-pour-macron-les-classes-populaires-n-existent-pas_1695585

 

 

 

 

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