J’ai pris une claque avec Simon Vouet
J’emmène tous les 15 jours un petit groupe d’étudiants de l’école agence LVB2, regarder des œuvres d’art. La dernière fois, nous sommes allés au Louvre voir les peintures de l’école française, au 2e étage de l’aile Richelieu.
Passés Jean II Le Bon, le Parement de Narbonne, le Retable de Saint Denis et quelques Poussin, nous arrivons salle 12 chez les peintres de Louis XIII, Champaigne et Vouet. Ils exécutèrent à la demande de Richelieu des portraits pour la Galerie des Hommes illustres du Palais Cardinal devenu depuis Palais Royal. Pas passionnant et pourtant…
Nous tombons en arrêt devant des mollets gris ; l’étoffe est soyeuse, on a envie de les caresser. Au dessus des mollets une écharpe jaune prend l’air ; on la retrouve sous une autre forme dans le tableau voisin, La Richesse. Vouet aime les écharpes jaunes.
Les mollets sont ceux du portrait Gaucher de Chatillon. Connétable de France de 1250 à 1328, pour 5 rois successifs. Le connétable était le comte de l’étable, donc de l’écurie, chargé de la cavalerie de guerre. Du Guesclin fut Connétable au XVe siècle.
Mollets mats, reflets brillants de l’écharpe, attitude souple du personnage : Simon Vouet est un immense peintre qui transcende son sujet ; son sujet c’est de peindre avant de peindre un connétable.
Dans La Richesse, l’écharpe répond à l’aile, le tissu de la robe se froisse ; cerise sur le gâteau, l’angelot en haut aux joues rouges et les yeux au ciel, a l’air de dire : « J’en ai marre ! »
Quelle vie dans cette allégorie ! Vouet a été influencé par Caravage – va pour le caravagisme – mais ce n’est pas si fréquent de planer avec un Connétable ou une allégorie de La Richesse.
C’est encore mieux quand on tombe dessus par hasard, comme ce fut le cas mercredi dernier. Ceci montre la limite des thèmes de visite qui enlèvent autant de surprises : on sait ce qu’on va voir. Non vraiment, la meilleure des solutions, c’est de se dire qu’on va à tel endroit et puis on verra bien…
Maele, l’une des étudiantes, m’a dit à la fin de la visite : « J’ai pris une claque avec Simon Vouet ; je mets l’angelot en fond d’écran sur mon i-phone ».
Bruno de Baecque
Aller au hasard, flâner. Oui, mais à ne pas confondre avec déambuler. Au hasard, mais à l’affut, ou, si on n’aime pas cette posture chasseresse, en éveil. Quoi que s’imaginent les gens pressés, le flâneur n’est ni vain, ni inactif, au contraire. “Je ne cherche pas, je trouve” : on ne se figure pas Picasso comme un flâneur, et pourtant.