Il ne s’arrêtera pas !
Dans le métro, en rentrant de la manifestation du 16 février, ils sont face-à-face, Arsène, Ellimac, le type au chapeau orange et sa femme. Arsène lit « CFDT » sur son chapeau ; il lui dit que, selon lui, la couleur orange, c’est plus celle de l’équipe de foot des Pays-Bas, en un temps légendaire avec Johan Cruyff… Le type se marre et comme ils descendent à la même station, Arsène salue Ellimac qui va plus loin.
Arsène : J’ai appris qu’aujourd’hui, tous les leaders étaient à Albi…
Le type : Oui, pour montrer qu’il n’y a pas que Paris.
Arsène : Ça, c’est sûr ! Même si l’un des côtés chaleureux de Paris, comme dit Ellimac, qui était avec moi dans le métro, ce sont les manifestations, où l’on rencontre tant de gens, où l’on voit tant de situations, comme ce jeune, à la tête d’enfant de cœur, dont la fougue au mégaphone, place d’Italie, avait quelque chose d’irréel…
Le type : Vous avez l’œil !
Arsène : Je vais dans ces manifestations, parce que je déteste Macron ; une fois que j’y suis, je regarde… Albi, Jaurès y a prononcé plein de discours, n’est-ce pas ?
Le type : C’est vrai. Il a été député du Tarn entre 1885 et 1914, il était né à Castres.
Arsène : Le Christ s’est arrêté à Éboli ; il ne faudrait pas que Berger s’arrête à Albi !
Le type : Il ne s’arrêtera pas !
Arsène : Dans la lignée de Jaurès, Mélenchon est le meilleur orateur actuel. J’y suis sensible car je suis guide- conférencier.
La femme : C’est vrai que c’est le meilleur ; mais il y en a d’autres…
Arsène : Qui ? Citez m’en un pour voir…
La femme : Ça ne va pas vous plaire…
Arsène : Dites quand même…
La femme : Macron.
Arsène est abasourdi, il ne s’y attendait pas ; ce n’est pas possible, il faut réagir.
Arsène : Mais Macron n’est pas un orateur, même s’il aime parler ; c’est tout au plus un démonstrateur.
Le type : Vous avez raison.
Arsène : Mélenchon a une autre dimension ; tout autre, comme Guitry disait « tout contre ».
La femme sourit et demande à Arsène quel genre de visite il fait ; il lui donne sa carte ; il revient à Berger.
Arsène : La grande nouveauté de toutes ces manifestations, c’est l’accord parfait, comme un whisky tourbé avec du saumon à la ficelle…
Le type se marre ; lui aussi aime le whisky de l’île d’Islay.
Le type : Entre Berger et Martinez, oui !
Arsène : Madame Borne est très étonnée ; on imagine les coups de fils…
Madame Borne : Vous vous trompez de moutons, monsieur Berger.
Monsieur Berger : Madame, vous dépassez les bornes.
Madame Borne : Je croyais que vous aimiez la chanson When I am 64 de Paul Mac Cartney.
Monsieur Berger : Je préfère, et de loin, Forever Young de Bob Dylan.
Ils écoutent ensemble le début des chansons.
Le type : Il y a aussi des coups de fils entre nous et LFI pour leur dire d’arrêter leurs conneries à l’Assemblée.
Arsène : C’est vrai que le résultat immédiat du ballon de Portes et « Vous êtes un assassin » de Saintoul, c’est de faire de Dussolt un héros, jusqu’à ce que Macron dise « Il faut sauver le soldat Dussolt ».
Le type : Même si, à cette occasion, le député communiste Chassaigne s’est fait applaudir par l’Assemblée, ce qui ne lui arrive pas souvent.
La femme : C’est une très bonne chose !
Le type : On ne s’arrêtera pas ; le 7 mars, ça va être énorme !
Arsène : Mais il en faudra, des 7 mars, non ?
Le visage du type se crispe, l’esprit de la révolution monte en lui, chauffe ses conduits.
Le type : Le 7 mars, tout bascule !
C’est la première fois qu’Arsène voit un type de la CFDT dans cet état-là ; il en connaît un autre, dans son quartier, qui était sorti de ses gongs, sur le trottoir, la dernière fois, bien avant la réforme des retraites, contre Mélenchon, qu’il considérait comme un dictateur ; il préfère le type au chapeau orange.
La femme voit le visage du type ; elle met sa main dans la sienne.
La femme : Je vous appellerai la veille pour ne pas oublier.
Le type : Tenez, prenez mon chapeau !
Arsène : Merci.
Ils se saluent tous les trois.
Arsène met le chapeau sur sa tête.
Sur la ligne qui le ramène chez lui, dans la rame, un autre type a le même chapeau ; ils se regardent, ils sont du même côté, forcément ; ils se sourient ; Arsène est un garçon gentil, comme Andy
Arsène descend à la prochaine, il est arrivé ; le type le salue, continue.
Bonjour,
Peut-on continuer à lire vos chroniques même si l’on est d’avis que Mélenchon est l’une des pires crapules qu’ait produit la Vè République ?
Un fidèle lecteur.
Bonjour,
en réponse à Rico…
« Dans la lignée de Jaurès, Mélenchon est le meilleur orateur actuel. ». Reconnaître un bon orateur ne vous oblige pas à lui emboîter le pas, ni à adopter ses idées. Reconnaître qu’une toile peinte est belle ne fait pas de vous un peintre! Observer un ivrogne ne fait pas de vous un ivrogne… Etc.!
Et puis, Bruno, dans ses chroniques, aime à manier le énième degré, si vous êtes un de ses fidèles lecteurs, cela ne vous aura pas échappé.