Fortune Infortune Fort Une

Marguerite d’Autriche est la fille de l’empereur Maximilien d’Autriche ; la petite-fille de Charles Le Téméraire, dernier duc de Bourgogne jusqu’à ce que Louis XI lui règle son compte ; et la tante de Charles Quint qui emprisonne François 1er après l’avoir battu à la bataille de Pavie en 1525. Marguerite n’est donc pas seule au monde !

 

Marguerite est reine de France de 2 ans à 11 ans ; mais elle est répudiée par Charles VIII, le fils de Louis XI, qui lui préfère Anne de Bretagne ; donc on peut être reine et larguée par le roi (1).

 

En amour, elle ne tire pas non plus les bonnes cartes : dom Juan, fils d’Isabelle de Castille et de Ferdinand d’Aragon, meurt à 20 ans, en 1497, sept mois après l’avoir épousée, alors qu’elle a 17 ans ; elle épouse, en 1501, Philibert le Beau, duc de Savoie : ils sont super heureux pendant trois ans, jusqu’à ce qu’il boive de l’eau glacée après la chasse et qu’il en meurt !

 

Marguerite anticipe le vers légendaire de la chanson culte des Rita Mitsouko Les histoires d’A. « Les histoires d’amour finissent mal en général » (2) ; puisque ses hommes meurent trop jeunes, elle va faire vivre ses futures vieilles pierres !

 

Elle se lance – pour honorer le vœu de sa grand-mère Marguerite de Bourbon – dans la reconstruction du petit prieuré bénédictin de Brou, qu’elle transforme en monastère royal ; Brou est un quartier de Bourg-en-Bresse.

 

Elle pose la première pierre sous une pluie battante en 1506. Mais le destin s’acharne : la même année, son frère Philippe meurt ; il était marié à Jeanne d’Aragon, folle, mais mère de 6 enfants, dont le jeune Charles Quint, âgé de 6 ans, que l’on retrouve avec joie – il est question de lui au début du 1er § de la chronique.

 

Son père, l’empereur Maximilien, demande à Marguerite de venir s’occuper des enfants. Elle part donc à Malines – aujourd’hui en Belgique – où, régente des Pays-Bas elle est à la tête d’une cour brillante de 1507 à 1530 ; Erasme et Dürer sont des habitués ! Ce qui ne l’empêche pas de suivre le chantier à distance…

 

Dans le monastère royal de Brou, on voit aujourd’hui des tombeaux somptueux à deux étages, l’un en marbre, l’autre en albâtre ; un jubé depuis lequel on admire la nef vaste et vide – vision rare ; cerise sur le gâteau, le travail des sculpteurs sur bois des stalles du chœur. Les personnages qui sont sous les Miséricordes (3) des moines sont réalisés par des artistes flamands ; celle de l’illustration est dans la salle capitulaire (4).

 

Cette « gueule cassée », métaphore d’une humanité malade, donne-t-elle un sens à la prière du moine ou s’en moque-t-elle ? Trêve d’hypothèses, prier, c’est faire contre mauvaise fortune bon cœur.

 

« Fortune Infortune Fort Une » est la devise que sa jeunesse tumultueuse inspira à Marguerite d’Autriche. Elle signifie :   La fortune importune fort une femme ; ou Fortune et Infortune ne font qu’une ; ou encore, Fortune Infortune Sauf Une, car Fort s’écrit Fors qui veut dire sauf. Sauf elle évidemment qui ondule entre l’une et l’autre…

 

Loin de tous ces enjeux, pourtant voisines, les Grandes Aigrettes et les Aigrettes Garzettes n’ondulent pas dans les marais de la Dombes ; discrètes, reines de rien, elles sont immobiles.

 

Elles viennent d’Autriche, de Hongrie, de Russie, d’Azerbaïdjan ; depuis les routes ou chemins qui bordent les marais, on en voit une ou deux par champ ou bout d’étang ; Vient une petite faim ? Elles s’avancent, s’arrêtent, remuent la vase par un rapide mouvement vibré de la patte et saisissent d’un fulgurant coup de bec – Fortune – les bestioles ainsi délogées – Infortune…

 

(1) Aliénor d’Aquitaine est l’exemple le plus connu de reine répudiée. Louis VII, son bonnet de nuit de mari, roi de France, se fâche avec elle lors de la deuxième croisade en 1148 – la halte à Antioche est l’occasion de très bons moments entre elle et son cousin Raymond du Temple… Mais c’est Henri Plantagenêt, roi d’Angleterre qu’elle va épouser, ce qui va mener plus tard à la guerre de 100 ans. Louis VII, la prochaine fois, tu prends sur toi…

 

(2) https://www.youtube.com/watch?v=tpzyV9WX6CU

 

(3) Miséricorde : console fixée sous l’abattant du siège d’une stalle, permettant, quand celui-ci est relevé, de s’asseoir discrètement tout en paraissant être debout. Il faut choisir, soit on est assis, soit on est debout, sinon c’est facile d’être moine…

 

(4) La salle capitulaire est le lieu où se réunit quotidiennement la communauté religieuse d’une abbaye ; le moine capitule devant Dieu…

 

Les commentaires sont fermés.