Être en couverture

L’Origine du Monde, vie du modèle est un livre de Claude Schopp (1), historien d’art, qui vient de paraître. Il révèle l’identité du modèle, Constance Quéniaux, qui a posé pour L’Origine du Monde de Gustave Courbet.

 

Spécialiste d’Alexandre Dumas père et fils, Claude Schopp lit une lettre que Dumas fils a écrite à George Sand, dans laquelle il évoque cette peinture de Courbet : « On ne peint pas de son pinceau le plus délicat et le plus sonore l’interview de Mlle Quéniaux de l’Opéra ».

 

Le mot « interview » trouble l’historien ; la phrase est incompréhensible. À la BNF, dans le brouillon de la lettre, il lit « intérieur », et non « interview ».

 

Intérieur a le sens d’intimité (2), de sexe. Le sexe de Constance Quéniaux est celui de L’Origine du Monde.

 

Constance Quéniaux a été danseuse à l’Opéra de Paris ; un métier qui ne nourrissait pas sa femme. Pour joindre les deux bouts, elle fut courtisane, l’une des maitresses de Khalil-Bey, le commanditaire du tableau ; probablement aussi maitresse de Courbet qui lui offrit un tableau, avant la réalisation de L’Origine du Monde.

 

La couverture du livre de Claude Schopp est trompeuse : une jeune femme aux cheveux longs regarde L’Origine du Monde ; ses cheveux nous masquent la toison. Et notre imagination de galoper…

 

Pourtant, Constance Quéniaux, dont on voit dans le livre plusieurs photos, aurait mérité d’être en couverture.

 

Néanmoins, You can’t juge a book by his cover  (3). Le livre de Claude Schopp met en évidence le travail d’un chercheur qui laisse ponctuellement un sujet recouvrir l’autre, comme la marée, la plage ; la plage de L’Origine du Monde, sur une île au milieu de l’océan Dumas.

 

La facétie de la couverture fait-elle écran à notre regard sur l’œuvre ? À l’origine, L’Origine du Monde était cachée par Khalil-Bey derrière un paravent ; plus tard Lacan la posséda, et demanda à son beau-frère le peintre Masson de lui peindre un tableau pour la dissimuler derrière…

 

Au-delà de sa couverture, c’est le livre de Claude Schopp qui fait écran à notre regard sur L’Origine du Monde en nous racontant la vie du modèle ; quitte à lire, La claire fontaine de David Bosc (4) raconte quel ogre sensuel était Courbet… pour peindre ça !

 

(1) L’Origine du Monde, vie du modèle. Claude Schopp. Éditions Phébus. 2018

 

(2) Intimité est un film de Patrice Chéreau, 2001. Un homme et une femme se retrouve dans une chambre de Londres, chaque mercredi à heure fixe, pour faire l’amour, sans se dire un mot ; le cinéaste filme leurs étreintes en gros plans. Ce film qui n’a rien de porno est bouleversant.

 

(3) Chanson de Bo Diddley : https://www.youtube.com/watch?v=Lch0o4wwGyw

 

(4) Chef-d’œuvre paru en 2016, chez Verdier Poche ; la couverture est verte.

 

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