Écouter sans juger

Le Tribunal de Grande Instance a quitté le boulevard du Palais pour s’installer, en avril 2018, aux Batignolles. L’architecte italien Renzo Piano signe ce bâtiment symbolique, construction en escalier qui domine le périf nord ouest.

 

À l’intérieur, c’est haut, lumineux, spacieux, blanc. La présomption d’innocence est inscrite sur le mur de gauche.

 

Plus loin, des mots de Pierre Drai, ancien président de la Cour de Cassation, s’inspirent des juges de 1906 qui réhabilitèrent Dreyfus : « Juger, c’est aimer écouter, essayer de comprendre, savoir décider. »

 

Des escalators, comme dans les grands magasins, ponctués d’énormes chiffres 2, 4, 6, mènent aux salles d’audiences réparties sur les étages.

 

Des salles d’audience plus larges que profondes, ont un habillage de bois de hêtre derrière le bureau des juges et une balance gravée sur la gauche, manière de rappeler pourquoi on est là, des fois qu’on oublie…

 

En dehors de ce symbole, la signalétique est très présente, précise, comme dans le sommaire d’un dossier ; le côté labyrinthique du Palais de Justice a disparu.

 

Tout semble fonctionnel ; pourtant les critiques des avocats sont radicales : pas de bancs à l’extérieur des salles d’audience pour s’asseoir avec son client avant d’entrer ; le Greffe, centralisé, nettement moins facile d’accès, surtout en urgence – ce qui est souvent le cas – que dans l’ancien Palais de Justice.

 

Un point commun entre l’ancien palais et le nouveau tribunal : le public n’est pas fou de joie ! Comme si la luminosité ne changeait rien à l’affaire…

 

Pourtant il est évident (de sagesse, d’ailleurs la Justice fait aussi peur que le dentiste, quoiqu’ils fassent, l’une comme l’autre) que le vieux Palais était trop encombré, sombre…

 

Le Tribunal de Paris a pris du recul en s’éloignant du centre ; faisons comme lui, écartons-nous de la façade en nous promenant dans le parc des Batignolles – Martin Luther King, d’où la silhouette du bâtiment s’affine…

 

Autre manière de prendre du recul, nous divertir avec Affaires Sensibles, l’émission (1) de Fabrice Drouelle, sur France Inter : en reprenant les grandes affaires depuis 50 ans, il nous sert une soupe aux grosses légumes très finement assaisonnée avec son inimitable voix frissonnante…

 

Fabrice Drouelle nous tient en haleine, nous l’écoutons sans problème. Revenons-en aux mots de Pierre Drai : « Juger, c’est aimer écouter… »

 

Tentons le contraire : essayons d’écouter nos proches – et nos moins proches – sans les juger : plus nous y parviendrons (2), plus notre écoute sera calme, apaisante.

 

Si tout le monde s’y met, la colère diminuera et les tribunaux de Paris ou d’ailleurs auront moins de boulot !

 

(1) Affaires sensibles, du lundi au vendredi de 15 h à 16 h.

 

(2) À condition de ne pas couper celui, celle, qui nous parle, même pour rebondir brillamment ou non ; non, juste écouter.

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