Ce que Prud’hon donne
Un type s’étire. À ses pieds, deux femmes se recroquevillent. Le mouvement vers le haut de cette peinture de Pierre-Paul Prud’hon (1758-1823), est si souple, puissant, vivant, qu’une fois notre regard posé sur lui, on y reste.
C’est le Christ, le titre de l’œuvre, de1822, est clair : Le Christ sur la croix. La Madeleine et la Vierge à ses pieds.
Où le voir en vrai ? Il est accroché entre La Liberté guidant le Peuple et Le Radeau de la Méduse dans la Galerie Molien du Louvre (1).
Prud’hon est considéré comme un pré-romantique. Un ami de Robespierre
Cette œuvre n’est pas de Prud’hon, mais du peintre belge Roger Somville, né en 1923 ; il est rare de voir un portrait de Robespierre, à part à la Conciergerie, à côté de la guillotine, ce qui est très réducteur…
Avec sa technique, inspirée du sfumato (2) de Léonard de Vinci, technique très lisible sur Saint Jean Baptiste de Léonard, au Louvre
Prud’hon nous fait vivre en avance, l’expérience essentielle de la peinture, révélée entre la fin du XIXe siècle et le début du suivant par la « peinture moderne » : l’émotion d’une scène et non la Cène elle-même.
Prud’hon réalise un chef-d’œuvre de modernité : il transforme le Christ en danseur ; son buste et ses bras jaillissent dans la lumière hors de l’ombre, où se dresse la croix, qu’on oublierait presque…
Il y a deux tableaux en un : en bas, les jambes serrées, les pieds cloutés, les deux femmes en pleurs, répondent au cahier des charges ; en haut, il n’est pas question d’élévation par le sacrifice, et puis quoi encore… En haut, on plane !
Blague à part, cette peinture montre-t-elle la puissance du Christ ? Je crois, personnellement, que l’artiste est un poète et que le poète ne croit en rien, il donne à voir ; nous voyons quelque fois (3) ce que Prud’hon donne…
(1) Si l’envie vous prend de le voir lors d’une visite avec un mini-groupe de 6 personnes, appelez-moi pour convenir d’une date au 06 82 29 37 44.
(2) Le sfumato utilise des glacis avec très peu de pigment, pour, à partir d’une teinte neutre, la foncer ou l’éclaircir.
(3) « Et j’ai vu quelques fois ce que l’homme a cru voir » Le Bateau Ivre, Rimbaud