Le bicorne du sombre héros

Lundi 18 juin 2018, le bicorne de Napoléon laissé sur le champ de bataille de Waterloo, a été acquis 350 000 € par un collectionneur lors d’une vente enchères organisée à Lyon par le commissaire priseur Etienne de Baecque ; les enchères avaient commencée à 40 000 €.

 

Des bicornes, Napoléon en a usé plus d’une centaine, dont 19 ont été identifiés. Mais celui de Waterloo, laissé sur le champ de bataille, la tête ailleurs, était mythique !

 

Waterloo c’est aussi 55 000 morts ou blessés en un seul jour, le 18 juin 1815. Parmi eux, Lord Uxbridge entre dans la légende avec sa jambe : lors de l’attaque aux côté de Wellington, il est frappé au genoux droit par un tir de mitraille. Il se serait tourné vers Wellington pour dire :

« Par Dieu, Sir, je viens de perdre ma jambe. Et Wellington de répondre : C’est exact, Sir. »

 

Sir Uxbridge est stoïque lors de l’amputation de sa jambe par le docteur Hume, médecin et chirurgien personnel de Wellington, avec une pointe d’émotion au moment où la lame de la scie reste coincée dans sa jambe…

 

La bataille de Waterloo a été l’occasion pour les anglais de progresser dans la médecine et la chirurgie de guerre (1).

 

En France, la Révolution avait supprimé l’enseignement de la Médecine en 1792, mais dès 1794 les études sont réorganisées avec la création de l’École de Médecine dont Corvisart est le premier titulaire de la chaire de clinique interne ; il est plus tard remarqué par Napoléon dont il devient le médecin personnel. (2)

 

Ce bicorne de Waterloo, le dernier, donc, est acheté hier beaucoup moins cher qu’en 2014, où lors d’une vente aux enchères à Fontainebleau, un bicorne en meilleur état, avait été acheté 1,8 M € par un industriel du poulet sud coréen pour mettre en avant Napoléon, modèle de l’entrepreneur moderne à ses yeux (3).

 

Pourtant lors de son exil à Sainte-Hélène il est un sombre héros, selon le livre de Jean-Paul Kauffmann (4).

 

Il est curieux que ce soit le meilleur état du bicorne qui fasse la différence, et non le mythe. Prenons l’exemple du casque de parade de Charles VI exposé au Louvre : il fut retrouvé au fond d’un puits où le roi, dans une crise de démence, ou des soldats anglais, en pleine démence guerrière, l’auraient jeté, pendant la guerre de 100 ans.

 

Les trous du casque que l’on admire aujourd’hui nous racontent la guerre, comme le mauvais état du dernier bicorne de Waterloo…

 

Les guerres sur le territoire français, c’est fini ; pas les attentats. C’est avec des armes de guerre que les frères Kouachi ont assassiné Charlie Hebdo, le 7 janvier 2015.

 

Philippe Lançon, journaliste à Libération et à Charlie Hebdo,  a survécu. Gravement touché au visage, dont la partie inférieure avait disparu, il a été opéré à l’hôpital La Pitié-Salpêtrière.

 

Il a écrit un livre Le Lambeau, qui dépasse le récit d’un survivant et nous entraine dans sa solitude, sa renaissance, son abandon à l’instant, nous fait part au détour de nombreuses réflexions, du voyage métaphysique qui accompagne sa souffrance physique : « Vivre à l’intérieur de la souffrance, entièrement, ne plus être déterminé que par elle, ce n’est pas souffrir ; c’est autre chose, une modification complète de l’être. Je sentais que je me détachais de tout ce que je voyais et de moi-même pour mieux le digérer. » Chapeau !

 

(1) Pour l’article complet, voir : https://www.courrierinternational.com/article/waterloo-1815-2015-un-terrible-carnage

 

(2) Ayons une pensée pour lui la prochaine fois que nous passerons à la station Corvisart

 

(3) Comparaison ô combien macronienne !

 

(4) La chambre noire de Longwood de Jean-Paul Kauffmann

http://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/Folio/Folio/La-Chambre-noire-de-Longwood

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