Bacon s’en balance-t-il ?

« Je voudrais que mes tableaux donnent l’impression qu’un homme s’y est faufilé, comme un escargot, y laissant une trainée de présence humaine et une trace des évènements, comme l’escargot laisse sa bave » disait Bacon dans le catalogue d’une exposition collective au MoMa, en 1955. Une nouvelle exposition vient de commencer au Centre Pompidou « Bacon en toutes lettres » (1).

 

L’affiche montre un personnage sur une « balançoire » ; impression aérienne, alors que la plupart des triptyques  accrochés montrent des corps déformés à l’intérieur d’espaces clos.

 

D’un point de vu de marketing, c’est bon, léger, une réponse à la question : comment attirer le public vers « la brutalité des faits » (2) de la peinture de Bacon ?

 

Sur place, il y a une originalité annoncée par le titre de l’exposition « Bacon en toutes lettres » : des extraits de textes issus de la bibliothèque personnelle de l’artiste sont enregistrés par des comédiens.

 

Prenons un exemple : à proximité du Triptyque inspiré de l’Orestie d’Eschyle (1981), on entend dans une salle, le texte des Euménides, de L’Orestie d’Eschyle ; ça sonne comme sa peinture !

 

Loin de toute explication, le ton est donné ; Bacon est inspiré par la violence, la souffrance du monde…

 

Tout n’est pas violent, parfois tout part de presque rien, ainsi Water from a running tap, 1982, (Eau s’écoulant d’un robinet) ; il dit dans l’interview en fin de parcours que c’est l’une de ses peintures les plus achevées.

 

Dans la même interview il déclare : « La peinture ne doit jamais illustrer la réalité, mais la condenser. »

 

Non loin du robinet, Study from the human body, 1983 (Étude d’après le corps humain) : une forme humaine essaie de mettre une clef dans une serrure…

 

Robinet, serrure, balançoire de l’affiche, éléments réels à partir desquels Bacon nous invite à le suivre ailleurs ; il se laissait percuter par le hasard…

 

Sur l’affiche Bacon se balance… S’en balance-t-il ? Cheveux cirés, perfectos, casinos, virées nocturnes à Londres dans des clubs gays. Ivresse d’un génie, qui disait en 1966 : « Si les Français apprécient mon travail, je n’aurai pas l’impression d’avoir tout raté. » Bacon ne s’en balançait pas !

 

(1) Tous les détails sur l’exposition : https://www.centrepompidou.fr/cpv/agenda/event.action?param.id=FR_R-98422f4ec997b38e22b5fcc316c6dff7&param.idSource=FR_E-98422f4ec997b38e22b5fcc316c6dff7

 

(2) L’expression a jailli lors d’entretiens avec le critique d’art David Sylvester https://www.amazon.fr/Entretiens-Francis-Bacon-David-Sylvester/dp/2081282496

 

 

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