À l’intérieur il fait trop sombre

À L’Institut du Monde Arabe, il y a actuellement l’exposition L’épopée du Canal de Suez, des pharaons au XXIe siècle (1) qui montre toute l’aventure de ce qui fut, qui est encore, bien plus qu’un canal. Premiers projets égyptiens, chantier  « pharaonique » au XIXe siècle, inauguration somptueuse, et nouveau canal depuis 2015.

 

Lien entre la Mer Rouge et la Méditerranée, raccourci entre Djibouti et Paris, le canal mène aussi à Aden, en face de Djibouti, où Paul Nizan part réfléchir au début du XXe siècle, loin du confort bourgeois des élites parisiennes – il a été élève à Normale Sup avec Jean-Paul Sartre – à leur hypocrisie. Le résultat est un essai fulgurant, Aden Arabie, qui commence ainsi : « J’avais vingt ans. Je ne laisserai personne dire que c’est le plus bel âge de la vie. »

 

Vingt ans, l’âge des jeunes qui vont avoir du mal à faire des études à la fac après le bac, avec la nouvelle loi, s’ils n’ont pas bien travaillé avant au lycée, car leur livret scolaire va les suivre comme un boulet ; comme pour donner raison à l’expression populaire « boulet un jour, boulet toujours » qui n’est drôle qu’au second degré. L’avenir n’appartient pas seulement à ceux qui se lèvent tôt ; les réveils tardifs sont plein de surprises…

 

Vingt ans, l’âge des jeunes étrangers en situations précaires, qui, scolarisés en France, sont parfois menacés d’expulsion, alors que leur vie, leur chance de s’en sortir, sont ici, en France ; certainement pas dans un pays où ils n’avaient aucun avenir, raison pour laquelle ils l’ont quitté (2).

 

Vingt ans, l’âge où l’on ne traine pas forcément dans les musées nationaux, alors que c’est gratuit (3), parce qu’on préfère aller dans des endroits moins gratuits mais plus excitant (4), des bars, où l’on peut discuter sans fin de la vie qu’on veut…

 

J’assume ce mélange des genre ; j’espère qu’il met en valeur la différence qu’il y a entre, ici, la France, où l’on peut passer d’un sujet à l’autre, et les pays d’origines de ceux qui sont menacés d’exclusion du territoire (2), où la misère les accueillera dans l’indifférence, avant qu’ils ne tentent une nouvelle fois de partir s’ils en ont encore l’énergie.

 

Mélangeons les genres dans la solidarité – quand on aime on ne compte pas : je vous signale l’existence de la Cantine Pyrénées, 77, rue de la Mare, 75020, où je suis bénévole, de temps en temps ; nous proposons des repas du lundi au vendredi de 12 h à 14 h ; nous avons évidemment besoin de soutiens (5).

 

Dès que nous commençons à nous engager, même un peu, dans une démarche solidaire, nous sommes assaillis par des questions profondes, lorsque les choses ne sont pas si cool, qui se résument à une interrogation essentielle : pourquoi je fais ça ? (6)

 

Faute de trouver une réponse, nous avançons parce que nous sentons qu’il le faut, et nous dépassons l’aphorisme célèbre d’Antoine Blondin : « Je suis resté au seuil de moi-même car à l’intérieur il fait trop sombre. » Dans ce cas il suffit d’ouvrir les persiennes…

 

(1) Lien pour l’exposition : https://www.imarabe.org/fr/expositions/l-epopee-du-canal-de-suez

 

(2) Liens pour les pétitions de soutien à deux élèves du lycée professionnel Adolphe Chérioux à Vitry :

http://resf.info/P3307

http://resf.info/P3308

 

(3) Gratuité pour les – 18 ans et jusqu’à 26 ans révolus pour les jeunes européens ; n’oubliez pas votre CNI.

 

(4) Les musées peuvent être très excitant comme le disait Paul Valéry : « Il dépend de celui qui passe que je sois tombe ou trésor – Que je parle ou me taise – Ami ceci ne tient qu’à toi – N’entre pas sans désir ». Attention, molo sur le désir : trop de désir de voir tue le regard ; regardons en douceur, laissons venir…

 

(5) Mail du collectif de la cantine : contact.cantine.des pyrenees[arrobe]gmail[point]com

 

(6) Dans le film Welcome, la compagne du personnage principal – joué par Vincent Lindon – qui apprend à un jeune à nager le crawl pour qu’il traverse la Manche, lui demande : « Pourquoi tu fais ça Simon ? »

 

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