Substance avachie du vieil âge

« On comprend que ce grand connaisseur en visages ait passé… tant d’années à fixer ses propres traits… Cette boule d’os et de chair, cette physionomie tantôt vulgaire et tantôt pathétique, il l’avait sans cesse à portée de pinceaux… » écrit Marguerite Yourcenar (1) à propos de l’autoportrait de Rembrandt en 1660, l’une des raisons d’aller voir l’exposition Figure d’artiste dans la Petite Galerie du Louvre (2).

 

On y découvre les premières signatures d’objet d’art, l’origine de l’autoportrait au XVIe siècle, l’accueil de l’artiste par l’Académie et de son œuvre par le public du musée.

 

Ainsi dans la dernière salle, un tableau de François Biard, Quatre heures, au Salon dit aussi Fermeture du Louvre, 1847, montre la foule agitée au Louvre à l’époque…

 

Alors que face à l’entrée de l’exposition, la foule de 2019, très bien canalisée, monte sagement prendre une photo de La Joconde, installée provisoirement dans la Galerie Médicis.

 

À l’entrée de l’exposition, un ciboire du XIIIe siècle ; l’artiste n’œuvre pas que pour la gloire de Dieu : son nom, l’une des premières signatures au Moyen-Age, est gravé en latin à l’intérieur de l’objet précieux. Ainsi le curé et le sacristain ne l’oubliaient pas, début d’un fan club !

 

Les artistes ont commencé à exécuter des autoportraits au XVIe siècle, pour être reconnus à l’instar des princes dont ils exécutaient les portraits.

 

À propos de l’autoportrait de Rembrandt,  Marguerite Yourcenar écrit encore : « C’est à l’aide de cet accessoire commode qu’il a pu suivre ce quelqu’un au cours de la vie, depuis la ferme et charnue enveloppe de la jeunesse jusqu’à la substance avachie du vieil âge. » (1).

 

Wöfflin, historien d’art suisse (1864-1945) indique une autre piste plus attirante : « La chair nous est livrée par Rembrandt aussi palpable qu’une étoffe de soie, elle fait sentir tout son poids… ».

 

Poids, comme pèsent sérénité, solidité, calme, délicatesse de l’artiste au travail ; de quoi intimider, comme la consistance intimide toujours qui en manque. À cela le regard est le meilleur remède.

 

Voisin de Rembrandt, le jeune Dürer, aux lèvres sensuelles, coiffé d’une serpillière rouge – idéal pour descendre les poubelles comme dans Le Père Noël est une ordure – est la tête d’affiche glamour de l’exposition !

 

(1) Marguerite Yourcenar (1903 – 1980), 1ère femme élue à l’Académie française en 1980 ; son vrai nom Cleenewerck de Crayencour. « Deux noirs de Rembrandt » est un texte extrait de son essai En pèlerin et en étranger, Gallimard, 1989

 

(2) À l’entrée de l’aile Richelieu, sur la gauche ; l’exposition dure jusqu’au 29 juin 2020.

 

 

 

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