Brassaï, le brasseur de temps

Brassaï, les graffitis lui disent merci ! Le transylvanien de Brassov, après un premier séjour à Paris quand il est petit, s’y installe définitivement à 25 ans, et se laisse envoûté par la capitale de la Belle Époque, avant de regarder la vraie vie des bordels, les marlous, le cirque, les singes et les girafes au zoo, l’atelier de Picasso et les graffitis !

Ils vont lui inspirer son grand œuvre, même si dans son œuvre la grandeur jaillit souvent comme le montrent des perles de l’exposition Brassaï, pour l’amour de Paris, dont un baiser dans l’ombre de la visière de l’amoureux.

 

Si l’affiche de l’exposition de L’Hôtel de Ville vous montre un baiser d’amoureux, dans l’esprit de celui de Doisneau, celui dont je vous parle, que vous découvrirez à l’intérieur, est infiniment plus mystérieux. Doisneau montre, Brassaï suggère.

 

Pour voir cette perle d’ombre, il faut faire un peu la queue à l’extérieur et constater une fois à l’intérieur qu’elle continue, la queue, dans le couloir où sont alignées des photos que les visiteurs regardent en avançant lentement sur un tapis roulant en panne…

 

Cette perle fait partie d’un collier de pure poésie : ainsi sur une chaise, la neige laisse la réalité se fondre dans la magie du graphisme ; le rythme des pavés parisiens dépasse l’anecdote ; les arabesques de la décoration de la tour Eiffel jouent avec celles d’une grille ; la nuit, les lumières de la place de la Concorde semblent irréelles ; sur les berges, l’ombre fait d’un soubassement du quai haut un profil joufflu ; des fesses de femme donnent l’impression d’une sculpture, et cette sculpture fait envie, une envie à se damner. Enfin !

 

Vous n’avez pas le temps de vous damner ? Sur le quai de la station de métro Hôtel de Ville, vous avez des grands tirages d’une sélection dont le profil joufflu ; mais aller dans l’expo vous mettra dans les meilleures conditions pour apprécier son travail, car pour trouver des merveilles d’ombres et de lumières, il a beaucoup marché, beaucoup attendu, il a laissé venir et bien souvent admis que si ça viendrait peut-être plus tard, ou jamais.

 

Brassaï avait un vrai rapport au temps, il faut dire qu’il avait été formé à bonne école, ayant appris le français en lisant À la recherche du temps perdu. Ça ne s’invente pas !

 

Bruno de Baecque

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