Il vaut mieux étreindre !

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Vers 19 h 30, le père est avec son môme de 5 ans qui hurle ; son père a son téléphone dans la main, le môme veut l’attraper, son père n’est pas d’accord, la main du môme n’atteint jamais le téléphone, son père reste très calme,       le môme hurle sans mollir.

Aucun des passagers à côté d’eux n’offre sa place, d’ailleurs le père ne demande rien ; son fils non plus, il hurle.

Ils viennent de descendre alors qu’un jeune type, debout aussi, plus jeune que le père du môme, dans les trente ans, a une tétine dans la bouche et un doudou.

Il était sans doute déjà là quand le môme hurlait, mais du côté opposé ; il est difficile, sinon impossible, de faire attention à tout le monde en même temps, mais de là à ne pas faire attention du tout…

Le môme s’épuisait à crier, son visage devenait tout rouge, presque fondu ; le père attendait que ça passe, avec ce téléphone qu’il ne fallait pas que le môme touche ; mais pourquoi ne le rangeait-il pas ? Pourquoi le môme voulait-il téléphoner ? À qui ?

Pourquoi le père n’a-t-il pas dit à tous ceux qui étaient près de lui, qu’il était dépassé par la colère de son môme et que si quelqu’un avait une idée, il était preneur ?

Le type avec sa tétine trouve une place et se met à pleurer doucement ; il dit à la dame en face de lui, dans le carré, qu’il ne pleure pas avec ses amis, mais que là, si, et ce n’est pas grave ; il a enlevé sa tétine pour parler ; il a toujours son doudou.

La dame l’écoute, puis il arrête de parler, remet sa tétine ; elle le regarde encore un peu, ne dit rien ; le silence n’est pas une réponse, mais une manière de ne pas en rajouter, ni de chercher à savoir ce qu’il n’a pas dit.

Dehors, un type roule en vélo, s’arrête au feu rouge pour écouter son pote qui lui téléphone pour lui raconter qu’il a vu dans le métro un type et son môme très en colère et un autre type avec une tétine ; mais le type arrêté au feu rouge lui dit : Ça fait 40 ans que je n’ai pas pris le métro.

Après un silence, son pote lui répond : 40 ans, c’est trop long !

Le type en vélo, lui dit, pour rire : Tu sais, ça passe vite !

L’autre rigole ; ils s’aiment bien tous les deux, ils se connaissent depuis longtemps ; comme le feu est passé au vert, ils conviennent de se rappeler.

Il ne savait pas qu’il ne prenait pas le métro, car ils n’en ont jamais parlé ensemble ; jusqu’à maintenant, il lui avait toujours raconté d’autres choses et le type en vélo est un taiseux.

Ceux qui ne prennent pas le métro oublient qu’outre le moyen de transport, tant d’émotions ponctuent les stations, à distance desquelles il est prudent de rester, même si donner son siège, un conseil, prudemment, n’engage à rien ; quant à son écoute, qu’est-ce qu’elle coûte ?

Toujours rester à distance, c’est l’antichambre de l’indifférence qui risque de coûter cher, flétrir la chair…

Dans La Chanson de Prévert, Gainsbourg est clair : « Peut-on jamais savoir par où commence et où finit l’indifférence ? ».

Elle n’est donc pas facile à atteindre, et difficile à éteindre ; non, vraiment, il vaut mieux étreindre !

C’est ce qu’auraient pu faire ceux qui étaient autour du type avec son môme ; de même, la dame en face du type à la tétine…

Donc à 19 h 30, ce n’est pas gagné ! Mais à 7 h du matin, aucun môme ne hurle, aucun type n’a de tétine ; bien-sûr, luxe et volupté tardent à s’installer dans la rame, alors que le calme est assis sur un strapontin.

  1. c’est vrai, il est en forme, et la particulièrement, on est ailleurs. Je prends le métro quasiment tous les jours et depuis des lustres, les souvenirs, les images viennent s’accrocher à ses mots…pêcheur de poésie.

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