Soulages et ses voisins du Louvre

Pierre Soulages est au Louvre jusqu’au 9 mars 2020, dans   Le Salon Carré, situé dans l’aile Denon. Un résumé de son travail de 1946 à 2019 est présenté, dont les trois dernières œuvres 1, 30 m x 3, 90 m (1), réalisées spécialement pour l’exposition. L’artiste qui sera centenaire le 24 décembre, fut découvert par le public avec ses vitraux de l’Abbatiale Sainte-Foy de Conques, en 1994.

 

Soulages domine la scène picturale actuelle de son audace formelle, lui l’artiste informel : « Je suis arrivé à l’Outrenoir en 1979 à un moment où je peinais sur un tableau raté, que je n’arrivais pas pour autant à lâcher. J’ai compris, le lendemain, que je ne travaillais pas seulement le noir, qui dès lors a envahi la toile, mais la lumière qui s’y reflétait… » (2)

 

À Rodez, il y a son musée où, à sa demande, d’autres œuvres choisies par d’autres côtoient les siennes.

 

Au Louvre, qui sont ces deux voisins de cimaises de chaque côté du Salon Carré ?

 

Si nous venons de La Victoire de Samothrace, sur notre gauche juste avant l’exposition, il y a Le Calvaire, 1440-1445, de Fra Angelico. Plus sombre que la plupart des autres Fra Angelico, cette œuvre a un fond noir comme un aplat, abstrait avant la lettre, qui anticipe Soulages, sans oublier les mains des personnages…

 

Si nous venons de la Grande Galerie, juste avant l’exposition, La Bataille de San Romano, vers 1456, de Paolo Uccello, est sur notre gauche ; le fond noir nous prépare à Soulages.

 

La scène de bataille qui entremêle jambes de soldats et de chevaux a plusieurs points de fuite. Uccello ne maitrisait-il pas la perspective ? À moins qu’il ait accentué la tension du départ au combat avec la ligne brisée où se tiennent les quatre chevaux du premier plan.

 

Avec les jambes de couleurs des soldats, nous nous enfonçons dans la profondeur du tableau ; reculons-nous en biais par la gauche à l’opposé de l’exposition Soulages, l’espace au premier plan s’ouvre…

 

La perspective n’était pas la priorité de Soulages : « Ce que je voyais dans les grottes me paraissait plus important que cette volonté de représentation apparue avec la perspective. Les statues menhirs du musée Fenaille de Rodez, par exemple, m’ont beaucoup plus touché que les sculptures grecques, parce qu’elles vont au-delà de la représentation. Et en ce sens, elles appartiennent davantage au domaine de l’art. » (2)

 

Les œuvres de Soulages, leur mystère, la solitude où elles nous plongent, nous invitent à méditer ; accepter les sensations qui nous traversent. Sans doute est-ce la meilleure manière de visiter le Louvre…

 

(1) Depuis longtemps, Soulages nomme ses œuvres par leurs dimensions.

 

(2) Extraits de l’interview de Soulages par Yasmine Youssi dans Télérama.fr

 

 

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